La progression des talibans au Pakistan est devenue un sujet d'alarme considérable pour le gouvernement américain qui y a vu mercredi une menace pour l'existence même du deuxième Etat musulman de la planète, détenteur de la bombe atomique.

La chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, et le chef d'état-major, l'amiral Mike Mullen, se sont ouvertement inquiétés du risque que l'arme nucléaire ne tombe entre de mauvaises mains.

«On ne peut souligner assez la gravité de la menace pour l'existence de l'Etat du Pakistan que représente la progression continue des talibans, qui sont maintenant à quelques heures d'Islamabad», a déclaré Mme Clinton devant des parlementaires, au moment où les extrémistes gagnaient du terrain vers la capitale Islamabad.

Une alliance de talibans et de combattants à l'affiliation floue tente de «prendre le contrôle de l'Etat pakistanais qui, comme nous le savons, est un Etat nucléaire», a dit Mme Clinton.

Un rappel fait aussi par l'amiral Mullen. «Mon inquiétude à long terme, c'est que cette détérioration, si elle continue, produise le pire résultat possible», a-t-il dit.

C'est donc avec un sentiment d'urgence accru que le président Barack Obama accueillera début mai son collègue pakistanais Asif Ali Zardari.

M. Obama recevra aussi le président afghan Hamid Karzaï, a dit son porte-parole, Robert Gibbs.

Selon le Washington Post, M. Obama verra les deux présidents séparément les 6 et 7 mai, et réunira en une forme de sommet les dirigeants de ces deux voisins aux relations délicates.

Selon M. Gibbs, M. Obama leur rappellera de vive voix qu'ils ont des «responsabilités», manière de leur dire que le soutien américain n'est pas inconditionnel.

M. Obama a fait de l'Afghanistan une priorité et y a annoncé l'envoi de 21 000 soldats supplémentaires. Cependant, une nouvelle stratégie divulguée en mars intègre complètement le Pakistan, sans lequel la question afghane ne peut être résolue, selon son administration.

Or, si les violences ont redoublé depuis deux ans en Afghanistan, elles menacent de devenir un motif de préoccupation aussi vif au Pakistan.

Le côté pakistanais de la frontière, base arrière des insurgés combattant en Afghanistan, est aussi le bastion d'où les talibans pakistanais et Al-Qaïda opèreraient contre le gouvernement d'Islamabad.

Une vague d'attentats sans précédent a fait au moins 1 800 morts en un an et demi au Pakistan. Les Etats-Unis s'inquiètent de la faculté d'Islamabad, rallié à la lutte antiterroriste après le 11 septembre et devenu un acteur primordial de ce combat, à résister à la progression extrémiste.

M. Zardari a conforté ces angoisses la semaine dernière en promulguant l'instauration des tribunaux islamiques dans la vallée de Swat, place forte des extrémistes dont l'armée n'est pas venue à bout, en échange d'un cessez-le-feu.

Des centaines de combattants islamistes sont entrés depuis quelques jours dans le district voisin de Buner, à 110 km d'Islamabad.

L'évolution de la situation pose la question des recours dont disposent les Etats-Unis. Le chef d'état-major américain a entamé mercredi sa deuxième visite en deux semaines au Pakistan et a des entretiens avec le commandant en chef de l'armée pakistanaise, Ashfaq Kayani, selon un responsable militaire qui a requis l'anonymat.

Pour l'administration Obama, l'incertitude est encore accrue par la perspective d'une intensification des combats en Afghanistan avec l'arrivée du printemps, et une élection présidentielle prévue en août.