Les talibans de la vallée de Swat, dans le nord-ouest du Pakistan, continuent de gagner du terrain dans un district voisin, à une centaine de kilomètres d'Islamabad, en violation d'un récent accord de paix avec le gouvernement, très critiqué dans les capitales occidentales.

Des centaines de ces combattants islamistes liés à Al-Qaïda et aux talibans afghans sont entrés depuis quelques jours dans le district de Buner, adjacent de celui de Swat, à 110 km de la capitale pakistanaise. Il se sont notamment emparés de bâtiments officiels, d'ONG et de mosquées, et ont installé des barrages sur des axes routiers, ont confirmé mercredi à l'AFP plusieurs officiers des forces de sécurité locales, sous couvert de l'anonymat.

Ce sont ceux-là mêmes qui dans la vallée de Swat ont signé en février un accord de cessez-le-feu, transformé la semaine dernière en accord de paix avec le gouvernement en échange de l'instauration de tribunaux islamiques.

Les talibans de Swat avaient promis de cesser les combats -l'armée l'a déjà fait- mais refusé de déposer les armes comme l'exige le gouvernement. Un de leurs porte-parole a même promis de continuer de lutter pour l'application de la charia, la loi islamique, au-delà de Swat, puis dans toute la République Islamique du Pakistan, seule puissance nucléaire militaire du monde musulman.

L'accord de paix est considéré comme une capitulation par plusieurs capitales occidentales, Washington au premier rang, dont Islamabad est l'allié-clé dans sa «guerre contre le terrorisme» depuis fin 2001.

«Les talibans venus de Swat ont intensifié leurs patrouilles» dans le district de Buner, «interdit la musique dans les transports publics et saccagé des bureaux d'ONG avant de voler leurs véhicules», a reconnu au téléphone Rashid Khan, haut fonctionnaire du gouvernement de la Province de la Frontière du Nord-Ouest (NWFP).

«Le gouvernement a tenu ses promesses et les talibans doivent désormais déposer leurs armes», a déclaré à l'AFP Mian Iftikhar Hussain, ministre provincial de l'Information, accusant les islamistes de «violer l'accord de paix» à Buner.

«Nous avons pris entièrement le contrôle de Buner», a confirmé au téléphone à l'AFP Muslim Khan, le porte-parole des talibans de Swat, promettant de le rendre aux autorités si l'accord sur les tribunaux islamiques y est appliqué.

Le nord-ouest, en particulier les zones tribales frontalières avec l'Afghanistan, est devenu, ces dernières années, le bastion des talibans qui ont aidé Al-Qaïda à y reconstituer ses forces et les talibans afghans à y installer des bases arrières pour leur insurrection contre le gouvernement de Kaboul et les forces internationales qui le soutiennent.

Les Etats-Unis y multiplient ces derniers mois les tirs de missiles ciblant des combattants d'Al-Qaïda mais l'armée pakistanaise, qui dit y avoir perdu près de 2.000 soldats depuis fin 2001, semble vouloir privilégier la négociation dans certains districts comme Swat.

Le gouvernement a invoqué la nécessité de rétablir la paix pour justifier l'accord de la vallée de Swat, autrefois le site touristique le plus prisé du pays mais aux mains, depuis l'été, 2007 des talibans qui y multiplient les exécutions sommaires et détruisent les écoles accueillant des filles.

Le Pakistan est en proie à une vague sans précédent d'attentats perpétrés par les islamistes, qui a fait au moins 1.800 morts en un an et demi.