La fusée lancée par la Corée du Nord dimanche, ainsi que tout chargement à bord, se sont abîmés dans l'océan, selon les Etats-Unis et la Corée du Sud. Reste que si l'engin n'a pas réussi à mettre un satellite de télécommunications en orbite, contrairement à ce qu'affirme Pyongyang, ce tir n'est pas forcément un échec complet pour le régime de Kim Jong Il, notent les experts.

Le tir nord-coréen a provoqué l'émoi dans la région et au-delà, les Etats-Unis et ses alliés appelant à des sanctions contre Pyongyang lors d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies qui s'est tenue dimanche quelques heures après le lancement. Le Conseil a toutefois échoué à trouver une réponse commune ou même à adopter une déclaration préliminaire condamnant la Corée du Nord. Selon des diplomates proches du dossier, la Chine et la Russie se sont montrés réticentes à toute mesure susceptible d'isoler un peu plus le régime de Pyongyang.

L'ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU, Susan Rice, a déclaré à la chaîne CBS lundi que Washington appelait à l'adoption d'une résolution juridiquement contraignante au Conseil pour que les dirigeants nord-coréens comprennent qu'ils «ne peuvent agir impunément».

Le Premier ministre japonais Taro Aso a de son côté appelé le Conseil de sécurité à la fermeté, indiquant qu'il allait chercher à obtenir le soutien de la Chine et de la Russie. Le président sud-coréen Lee Myung-bak tentait également lundi de convaincre Pékin de changer sa position.

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong Il a observé le tir dimanche et exprimé sa «grande satisfaction» que les scientifiques nord-coréens aient «lancé avec succès le satellite», a rapporté lundi l'agence officielle nord-coréenne KCNA.

Le régime communiste affirme que ce tir s'inscrivait dans le cadre d'un programme spatial civil. Selon Pyongyang, il a permis de mettre en orbite un satellite de télécommunications qui diffusait des données et des chants patriotiques.

Reste que selon des responsables américains et sud-coréens, l'ensemble de la fusée, y compris tout chargement se trouvant à bord, a fini dans l'océan. Le deuxième étage s'est abîmé dans les eaux à 3.100 kilomètres du site de lancement, ont précisé des officiels sud-coréens.

Cette distance est deux fois plus importante que celle parcourue par n'importe quelle autre fusée construite par la Corée du Nord. En 1998, une fusée nord-coréenne avait volé deux fois moins loin et, en 2006, le vol d'un missile longue-portée avait capoté seulement 42 secondes après le décollage.

Dimanche, le premier étage de la fusée s'est séparé avec succès, mais les deuxième et troisième étages n'ont pas réussi à se détacher ou ont eu du mal à le faire, explique Daniel Pinkston, un analyste basé à Séoul de l'International Crisis Group. «Cela met en doute la fiabilité du système», souligne-t-il. Les Nord-Coréens «sont encore loin» d'être en mesure de frapper les Etats-Unis.

Mais pour Kim Tae-woo, de l'Institut Korea pour les analyses de défense, un organisme public à Séoul, le tir de dimanche pourrait permettre à Pyongyang de faire monter les enchères dans les négociations internationales visant à le convaincre de renoncer à son programme d'armes nucléaires en échange d'aide et de concessions.

«Militairement et politiquement, ce n'est pas un échec», car la Corée du Nord a démontré qu'elle avait «fortement amélioré» la portée de sa fusée, explique M. Kim.

Pyongyang pourrait se livrer à d'autres provocations, comme un deuxième essai nucléaire, après celui réalisé en 2006, si le lancement de la fusée ne produit pas l'effet attendu, à savoir des négociations directes avec les Etats-Unis, analyse de son côté Kim Keun-sik, de l'université Kyungnam en Corée du Sud. Pour M. Pinkston, la Corée du Nord «va attendre la réponse à ce lancement». Il estime en revanche qu'un nouvel essai nucléaire nord-coréen est peu probable.

L'un des pays les plus pauvres de la planète, la Corée du Nord a désespérément besoin de l'aide extérieure, notamment depuis que l'assistance offerte sans condition par Séoul depuis une décennie s'est tarie avec l'arrivée au pouvoir du président Lee Myung-bak en 2008. Pyongyang, qui affirme détenir l'arme atomique, utilise régulièrement son programme militaire nucléaire comme monnaie d'échange potentielle en promettant d'y renoncer pour obtenir de l'aide.