La Corée du Nord semble déterminée à lancer à partir du week-end prochain un présumé «satellite de télécommunications», restant sourde aux appels d'une partie de la communauté internationale qui redoute un essai de missile déguisé.

Provocation calculée d'un régime cherchant à négocier en position de force le démantèlement de ses installations nucléaires ou véritable tentative d'affiner sa technologie, le tir risque d'ouvrir une nouvelle crise internationale.

La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a prévenu mardi à La Haye qu'un tir «aura des conséquences» au Conseil de sécurité des Nations unies.

La Corée du Nord a annoncé qu'elle allait mettre en orbite entre le 4 et le 8 avril un «satellite de télécommunications» devant survoler le nord de l'archipel japonais. Elle a invoqué son droit «inaliénable» à développer un programme spatial à l'instar de l'Iran qui a placé en orbite son premier satellite début février.

Mais les États-Unis et leurs alliés asiatiques soupçonnent que ce lancement pourrait masquer un tir expérimental de missile longue portée Taepodong-2, théoriquement capable de frapper un territoire américain comme l'Alaska.

Satellite ou essai de missile, il sera difficile de déterminer dans l'immédiat la nature de l'engin, les deux opérations reposant sur la même technologie.

Une réaction trop virulente au tir - interception de la fusée par exemple - pourrait aller jusqu'au déclenchement d'une guerre, a averti mercredi le groupe de recherche indépendant International Crisis Group (ICG) qui recommande une réponse modérée.

Ce lancement s'intègre dans la stratégie du régime communiste qui «cherche à attirer l'attention en cas de tensions internes, de changements politiques à l'extérieur ou lorsqu'il n'a pas eu ce qu'il voulait dans des négociations», estime l'ICG.

Les voisins de Pyongyang craignent une réédition de l'été 1998 lorsque le régime avait en lieu et place d'un «satellite» lancé un missile longue portée Taepodong-1 qui avait survolé une partie du Japon avant de s'abîmer dans le Pacifique.

Le Nord avait provoqué une nouvelle crise internationale en tirant le 4 juillet 2006 -- jour de la fête nationale américaine -- sept missiles, dont un Taepodong-2. Ce missile avait explosé après 40 secondes de vol.

Le Conseil de sécurité de l'ONU n'en avait pas moins adopté à l'unanimité, le 15 juillet 2006, une résolution condamnant le Nord.

Le gouvernement japonais, qui a déployé des batteries de missiles antimissiles à Tokyo et dans les environs, a promis d'abattre tout engin qui menacerait son territoire à la suite d'un incident ou erreur de trajectoire.

Pyongyang a rétorqué qu'il assimilerait toute interception de sa fusée à un «acte de guerre» et que de nouvelles sanctions de l'ONU seraient perçues comme «un acte hostile» entraînant la rupture des négociations sur sa dénucléarisation, actuellement au point mort.

Toutefois, de nouvelles sanctions onusiennes semblent improbables et seraient vraisemblablement bloquées au Conseil de sécurité par la Chine et la Russie, traditionnels alliés de Pyongyang.

Puissance nucléaire depuis le 9 octobre 2006, la Corée du Nord est engagée depuis six ans dans de laborieuses négociations à six pays (deux Corée, États-Unis, Japon, Chine et Russie) en vue d'un démantèlement de ses installations atomiques en échange d'une aide économique et de garanties de sécurité. Les tractations achoppent depuis plusieurs mois sur les modalités de vérification du démantèlement.

Le tir nord-coréen «pourrait être le déclencheur pour ouvrir le dialogue avec la nouvelle administration américaine», a indiqué à l'AFP Daniel Pinkston, analyste auprès de l'ICG.

Un tir réussi contribuerait aussi à renforcer le régime alors que le numéro un, Kim Jong-Il, aurait été victime d'une attaque cérébrale mi-août 2008.

Enfin, Pyongyang possède un atout dans sa manche qui pourrait constituer une précieuse monnaie d'échange en cas de crise: deux journalistes américaines qu'il détient depuis le 17 mars pour avoir pénétré «illégalement» sur le territoire.