L'attaque audacieuse lancée lundi contre une école de police près de Lahore illustre la fragilité du Pakistan face au terrorisme, au moment précis où Washington vient de placer ce pays au coeur de son dispositif de lutte contre Al-Qaeda.

«Ces attaques répétées prouvent que les craintes nées à l'étranger sur une absence de gouvernance au Pakistan sont fondées», souligne Tauseef Ahmed Khan, chercheur à l'université de Karachi.

«Elles démontrent l'échec total des services de sécurité et des services de renseignement. L'avenir du Pakistan est en danger», résume-t-il.

Lundi, un commando armé s'est emparé d'un centre d'entraînement de la police à Manawan, près de Lahore, la grande ville de l'est du pays.

Cette attaque rappelle par sa stratégie celle qui avait visé le 3 mars l'équipe de cricket du Sri Lanka à Lahore, et avait soulevé une volée de critiques contre le gouvernement pour avoir laissé fuir les assaillants.

L'attaque, toujours inexpliquée, avait surpris par sa stratégie, une fusillade en pleine rue, signe de la complexité de la menace terroriste dans ce pays frappé depuis juillet 2007 par une vague d'attentats, pour la plupart des attaques-suicide.

Environ 1700 personnes ont été tuées dans ces attentats attribués à des talibans et combattants d'Al-Qaïda basés dans les zones tribales du nord-ouest, frontalières de l'Afghanistan.

L'ampleur de cette vague terroriste, alors que le Pakistan est devenu un allié stratégique de Washington depuis 2001, a conduit le président américain Barack Obama à placer ce pays au centre de son dispositif en Afghanistan. Il a qualifié la nébuleuse Al-Qaeda de «cancer» qui risque de détruire le Pakistan.

Mais de nombreux experts ont averti que cette nouvelle stratégie risquait de s'accompagner d'une recrudescence de l'activité des islamistes.

«Les terroristes veulent dire à Barack Obama et à ses alliés occidentaux qu'ils ne peuvent être réprimés comme souhaité et qu'ils conservent autant de pouvoir et de force qu'ils en ont depuis des années», estime Mutahir Shaikh, professeur de relations internationales à l'université de Karachi.

«Cet attentat prouve également la faiblesse des institutions de l'Etat et montre qu'un dizaine seulement de terroristes entraînés de manière professionnelle peuvent prendre qui ils veulent en otage et occuper à leur guise n'importe quelle institution», ajoute-t-il. «Le terrorisme urbain est maintenant en vogue dans nos grandes villes».

«Ces groupes veulent paralyser le système de l'Etat afin de se donner la liberté de poursuivre leur agenda idéologique et politique à l'intérieur et à l'extérieur du Pakistan», relève pour sa part l'analyste Hasan Askari.

Le Pakistan est depuis des années le foyer de groupes armés impliqués notamment dans la lutte contre la domination indienne sur une partie du Cachemire ou dans des violences interreligieuses, dont certains ont rejoint le mouvement des talibans et Al-Qaïda.

Le principal conseiller du Premier ministre pour les Affaires intérieures, Rehman Malik, a désigné lundi plusieurs de ces groupes comme possibles responsables de l'attaque de Lahore.

«Qui les soutient? Qui leur fournit des armes? Chacun connaît ces organisations interdites appelées Lashkar-e-Jhangvi, Lashkar-e-Taïba et Jaish-e-Mohammad», a dit Rehman Malik.

La difficulté du gouvernement à contrôler les puissants services de renseignement pakistanais est souvent citée comme une raison majeure de la prolifération du terrorisme dans le pays.

Plusieurs responsables américains ont réaffirmé ces derniers jours que des éléments des services de renseignement continuaient à entretenir des liens avec des groupes extrémistes, et les ont exhortés à couper ces liens.