«Douch», l'ex-tortionnaire en chef présumé du régime cambodgien des Khmers rouges (1975-1979), a entendu les chefs d'accusation retenus contre lui, à l'ouverture lundi des débats de fond du premier procès international de la dictature communiste de Pol Pot.

Deux millions de personnes, soit environ un quart de la population cambodgienne de l'époque, ont trouvé la mort sous les Khmers rouges qui avaient fait régner la terreur en cherchant à imposer un modèle révolutionnaire de société agraire.

L'accusé, Kaing Guek Eav, 66 ans, plus connu sous le nom de «Douch», dirigeait la prison de Tuol Sleng (camp S-21) où plus de 15 000 personnes ont été torturées et exécutées, y compris dans des «Killing Fields» voisins, aboutissement de vastes purges organisées par la direction du «Kampuchéa démocratique».

«Douch», ex-professeur de mathématiques qui s'est converti au christianisme en 1996, trois ans avant son arrestation, est poursuivi pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, torture et meurtre avec préméditation.

Quatre autres dirigeants au profil plus politique de l'ancien régime seront jugés ultérieurement par ce même tribunal, parrainé par les Nations unies, qui s'est progressivement mis en place depuis 2006 à Phnom Penh.

Vêtu d'une chemise blanche à fines rayures, «Douch» a salué les juges selon la tradition cambodgienne en joignant ses mains comme pour une prière et a répondu poliment aux questions sur son identité.

«On m'a déjà notifié les accusations», a-t-il dit.

Un greffier a alors commencé à donner lecture des faits retenus contre lui. «Plusieurs témoins ont indiqué que Douch était redouté par tous à S-21», a-t-il rapporté. «Outre l'exécution de détenus condamnés d'avance comme des traîtres, un but majeur de S-21 était de soutirer des confessions aux prisonniers, dans le but de démasquer d'autres réseaux».

A l'époque, rappellent des historiens, les dignitaires Khmers rouges frisaient la paranoïa et considéraient tous les opposants potentiels, en particulier dans l'intelligentsia, comme des agents de la CIA, du KGB ou du Vietnam voisin.

Les rares survivants du camp S-21 affirment que «Douch» appliquait «avec zèle» les ordres de la garde rapprochée de Pol Pot, lui-même décédé en 1998.

Le greffier a déclaré que «Douch» autorisait ses employés à utiliser la torture, y compris la bastonnade, l'électrocution, le recouvrement de la tête avec un sac en plastique et le déversement d'eau dans le nez.

Les acteurs du procès sont installés sur la scène d'un amphithéâtre, avec de l'autre côté le public. Une immense baie vitrée, spécialement conçue pour résister à des tirs, sépare la Cour des spectateurs.

Le procès de «Douch» s'était ouvert le 17 février, mais cette audience préliminaire n'avait porté que sur des questions de procédure.

Au cours de la semaine, l'accusé devrait, en principe, accepter sa responsabilité pour certaines des atrocités de l'époque des Khmers rouges.

«Il utilisera la possibilité qui lui est donnée de parler aux juges, aux victimes et, au-delà, à la population cambodgienne», a déclaré à l'AFP son avocat français, Me François Roux.

«Douch» risque la réclusion à perpétuité. La Cour a exclu la peine de mort.

Comme on demandait à Me Roux si l'accusé espérait voir sa condamnation réduite, il a répondu: «Le fait, pour Douch, d'accepter sa responsabilité est un des éléments à partir desquels les juges détermineront la sentence».

Une rescapée en larmes, Om Chantha, a lancé lundi: «Les Khmers rouges étaient impitoyables. Ne les libérez pas, même s'ils passent aux aveux».