Le Pakistan a tenté dimanche de tourner la page de la crise qui avait menacé de plonger le pays dans le chaos, avec un épilogue fort de symbole, le retour du président de la Cour suprême, pendant que le pouvoir et l'opposition se disaient prêts à la «réconciliation».

Une semaine après le coup d'éclat du chef de l'opposition Nawaz Sharif, et le revirement du gouvernement qui a cédé en bloc à une fronde devenue incontrôlable, le juge Iftikhar Chaudhry, icône de la démocratie pour des millions de Pakistanais, a retrouvé son poste à la Cour suprême.

Aux accents de l'hymne national, le drapeau vert et blanc du Pakistan a été hissé devant la villa du juge à Islamabad, sous les applaudissements de centaines d'avocats, représentants de la société civile et militants politiques.

Homme discret et réputé indépendant, destitué le 9 mars 2007 pour avoir déplu au régime militaire de Pervez Musharraf, le juge Chaudhry n'est pas apparu lors de cette cérémonie organisée par les avocats, initiateurs du mouvement qui a conduit à sa réintégration.

«Cette cérémonie marque la fin de la lutte des avocats et du peuple du Pakistan», a lancé le leader du mouvement, l'avocat Aitzaz Ahsan, en expliquant que le magistrat devrait désormais travailler à l'abri de toute pression.

Le juge Chaudhry avait été destitué après avoir notamment ordonné une enquête sur des personnes disparues et supposées être aux mains des services de sécurité.

Pervez Musharraf, arrivé au pouvoir lors d'un coup d'Etat en 1999, craignait également à l'époque une décision de justice susceptible de le déclarer inéligible.

Le retour du juge et de plusieurs autres magistrats destitués était au centre d'un grand mouvement de contestation qui avait précipité la chute du régime militaire en 2008, avant d'envenimer la première année de gouvernement civil.

Cette crise a fait émerger Nawaz Sharif, un ancien Premier ministre, comme un dirigeant d'opposition de premier plan et affaibli le président Asif Ali Zardari, son rival de longue date.

Dimanche cependant, Nawaz Sharif et le Premier ministre Yousuf Raza Gilani se sont dits prêts à la «réconciliation», lors d'une première réunion depuis la crise.

«Je suis venu rencontrer Nawaz Sharif avec une branche d'olivier, avec un message du président Asif Ali Zardari disant que la situation requiert une large réconciliation parce que le Pakistan est confronté à de grands défis», a dit M. Gilani après cette réunion.

«Nous allons coopérer avec le gouvernement», a déclaré le leader d'opposition.

Il a cependant rappelé qu'il réclamait l'abolition d'un amendement à la Constitution introduit par le régime militaire, qui élargit les pouvoirs du chef de l'Etat, ainsi que l'application de la «Charte pour la démocratie», qu'il avait signée en 2006 avec l'ex-Premier ministre Benazir Bhutto.

Nawaz Sharif avait appelé au soulèvement populaire pour protester contre un verdict rendu le 25 février par la Cour suprême, qui l'a exclu de la vie politique en raison de son passé judiciaire. Il avait alors appelé ses partisans à rejoindre le mouvement pour la réintégration des juges.

Celui-ci avait pris une tournure dangereuse lorsque les manifestants avaient bravé une interdiction gouvernementale, se préparant à déferler par milliers lundi dernier sur Islamabad.

Sous très forte pression des Etats-Unis, inquiets d'une déstabilisation de ce pays au coeur de leur dispositif anti-terroriste, et de la puissante armée pakistanaise, M. Gilani avait annoncé à l'aube du 16 mars que les juges destitués seraient réintégrés, désamorçant la crise in extremis.