Procureurs et avocats au procès de l'ex-responsable Khmer rouge «Douch» ont débattu mercredi de l'utilisation d'une vidéo vietnamienne montrant la libération du centre de détention et de torture qu'il dirigeait au Cambodge, il y a plus de trente ans.

L'audience préliminaire, ouverte mardi et destinée à fixer certaines procédures, notamment des listes de témoins, avant les débats de fond, s'est achevée mercredi en milieu de journée, ont indiqué des représentants de la Cour parrainée par les Nations unies à Phnom Penh.

Des procureurs ont indiqué qu'ils avaient fermement l'intention d'utiliser un film tourné par les forces vietnamiennes et montrant les conditions au centre de détention de Tuol Sleng, deux jours après l'éviction des Khmers rouges de Phnom Penh par les troupes de Hanoï le 7 janvier 1979.

«Ce tribunal doit impérativement disposer de toutes les preuves disponibles», a déclaré le procureur canadien Robert Petit, en annonçant son intention d'appeler à la barre le cameraman et d'autres témoins liés à la réalisation de cette vidéo qui, selon lui, devrait être versée au dossier.

L'accusé, Kaing Guek Eav, 66 ans, plus connu sous le nom de «Douch», commandait à l'époque la prison de Tuol Sleng (S-21), centre d'interrogatoires établi dans un ancien lycée où plus de 15.000 personnes ont été torturées avant d'être tuées dans des «killing fields», dans le cadre de vastes purges ordonnées par le régime ultra-communiste de Pol Pot.

«Douch» est poursuivi pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, tortures et meurtres avec préméditation.

Kar Savuth, l'avocat cambodgien de «Douch», a douté de l'authenticité de la vidéo mentionnée par Robert Petit, affirmant qu'elle devait être considérée comme un film de propagande vietnamien.

«Nous, la défense, pensons que cette séquence vidéo revêt une arrière-pensée politique», a-t-il dit.

Le film montre des scènes pénibles dans la prison abandonnée de Tuol Sleng, y compris plusieurs corps gonflés et attachés à des barres métalliques de lits sur lesquels les victimes avaient été torturées.

«Douch», ancien professeur de mathématiques devenu révolutionnaire zélé du régime des Khmers rouges, a écouté les débats mercredi, souvent enfoncé dans son siège et le regard impassible.

Des avocats ont également présenté des listes de témoins avant que le juge cambodgien Nil Nonn, qui présidait la séance, n'annonce la fin de l'audience préliminaire qui aura duré un jour et demi.

Le juge n'a pas indiqué quand commenceraient les débats sur le fond du dossier «Douch», mais une porte-parole de la Cour, Helen Jarvis, a évoqué prudemment la «fin mars».

Mme Jarvis a indiqué que les intervenants avaient progressé pour déterminer la forme et la structure du premier procès. «Il y a une meilleure compréhension de la manière dont le procès se déroulera et des objectifs des différentes parties», a-t-elle dit.

Arrêté en 1999 par les autorités cambodgiennes après avoir été démasqué par un journaliste, «Douch» est le premier ex-responsable Khmer rouge à avoir été transféré en 2007 vers le tribunal spécial de Phnom Penh. Il risque la réclusion à perpétuité, la Cour ayant exclu la peine de mort.

«Douch» a déjà assumé ses responsabilités et a l'intention d'utiliser les audiences pour demander «pardon» à ses victimes et à tous les Cambodgiens, selon son autre avocat, le Français François Roux.

Quatre dirigeants au profil plus politique du régime de Pol Pot, lui-même décédé en 1998, seront jugés à des dates ultérieures.