Les autorités civiles et aborigènes du sud de la Colombie ont accusé jeudi la guérilla des Farc de massacres d'indiens dans le département de Nariño, une région vouée au trafic de drogue, parsemée de mines anti-personnel, où la force publique n'a pu encore accéder pour enquêter.

«Nous avons reçu des informations des autorités de la région sur le fait que dix personnes qui avaient pris la fuite après un précédent massacre, ont été assassinées hier (mercredi) près de la localité de Guangarial», dans le département de Nariño, a déclaré à l'AFP Luis Evelis Andrade, chef de l'Organisation nationale indigène de Colombie (ONIC).Le gouverneur de ce département limitrophe de l'Equateur, Antonio Navarro, a expliqué de son côté que des membres de l'ethnie Awá lui avaient rapporté «qu'à l'aube de mercredi dix personnes avaient été tuées» dans la municipalité de Ricaurte, en lui indiquant «le lieu exact du massacre et le nom du propriétaire de la maison où cela s'est produit».

Cette tuerie fait suite à un précédent massacre d'indiens le 4 février, dont la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) a été accusée.

L'ONIC, qui regroupe un million d'amérindiens, et les autorités civiles de Nariño ont accusé un groupe des Farc d'avoir torturé et assassiné à l'arme blanche 17 indiens Awá la semaine dernière dans une bourgade reculée du département.

Selon le gouverneur Navarro, les Farc retenaient un groupe de familles indiennes en les accusant de collaborer avec l'armée colombienne.

Quelques jeunes indigènes détenus «se sont échappés et ont raconté» que les victimes avaient été «tuées à l'arme blanche», a expliqué M. Navarro.

Le bureau du Haut Commissariat aux réfugiés des Nation unies (HCR) à Bogota a signalé dans un communiqué avoir également reçu des informations selon lesquelles «des hommes, des femmes et trois enfants ont été assassinés la semaine dernière dans la réserve Awa de Tortugaña Telembi».

M. Andrade a indiqué que ses informateurs «ont dit que c'étaient les Farc qui ont aussi commis ces meurtres» de dix autres indiens mercredi, alors que le gouverneur Navarro assurait ne pas avoir d'information sur les responsables de cette nouvelle tuerie.

«Cela s'est produit dans la zone où a eu lieu le premier massacre», a déclaré le gouverneur à la presse.

«Pour le premier (massacre), je suis totalement certain que ce sont les Farc, dans le second cas, je ne peux pas l'affirmer», a-t-il souligné en assurant que des représentants des autorités devaient «arriver sur le site» jeudi pour vérifier les faits.

Les conditions topographiques et de sécurité difficiles, dues à la présence de la guérilla, aux champs de mines et au trafic de drogue dans la région, compliquent l'accès de la force publique aux lieux des massacres présumés pour enquêter à la suite de ces accusations.

Le ministre colombien de la Défense, Juan Manuel Santos, a annoncé qu'il devait accompagner jeudi à Nariño les militaires et policiers pour «se faire une idée de la situation», tout en qualifiant de «complexe» l'attitude des indiens consistant «à ne dire absolument rien aux autorités qui tentent de retrouver les corps».

Mais selon M. Andrade, «le grand problème, ce sont les mines. Les gens ont peur de devoir se déplacer, montrer le chemin, alors que ceux qui y seraient disposés ne le connaissent pas. Cela pourrait aboutir à une nouvelle tragédie».