Kim Jong-il est bel et bien vivant. Après plus de six mois dans l'ombre, probablement à cause d'un accident vasculaire cérébral, le président nord-coréen a rencontré hier publiquement un haut diplomate chinois, Wang Jiarui.

Cette apparition publique semble être un signal au président Barack Obama, qui a affirmé durant la campagne électorale qu'il n'hésiterait pas à rencontrer des chefs d'État ennemis des États-Unis. Elle suit plusieurs semaines de tensions militaires entre les deux Corées, et une première admission de la part de la Corée-du-Nord que son armée dispose de «quatre ou cinq» bombes nucléaires.

 

Kim Jong-il, qui a 66 ans, n'avait pas été vu en public depuis le 14 août. En septembre, une parade militaire marquant le 60e anniversaire de la proclamation de la république a été exceptionnellement écourtée, et M. Kim n'a pas assisté à l'anniversaire comme c'était son habitude. Les médias sud-coréens rapportent qu'il a eu un AVC puis une chirurgie au cerveau, notant que plusieurs médecins européens ont été vus à Pyongyang durant l'automne.

Cette absence suscite l'inquiétude parce qu'aucun successeur n'est connu, notent les observateurs. Kim Jong-il a déjà dépassé de quatre ans l'âge auquel son père l'avait désigné comme son successeur, en 1974 quand il avait 32 ans. Au total, Kim Jong-il a eu sept enfants de quatre épouses et maîtresses, selon Asia Times.

Rencontre avec Obama?

La visite de M. Wang, qui a rencontré à plusieurs reprises M. Kim à titre de chef du département international du PCC, pourrait signaler une reprise des négociations à six -les deux Corées, le Japon, la Russie, la Chine et les États-Unis. La perspective d'une rencontre entre les présidents Obama et Kim fait couler beaucoup d'encre chez les spécialistes.

En décembre, Peter M. Beck, politologue à l'Université américaine à Washington et à l'Université Yonsei à Séoul, a toutefois rappelé dans le forum Nautilus que Hillary Clinton a critiqué la proposition de M. Obama de rencontrer des chefs d'État ennemis, et donc qu'une telle rencontre est peu probable. M. Beck a avancé qu'elle pourrait y dépêcher son mari Bill Clinton. Ironiquement, ce dernier avait lui-même envoyé sa secrétaire d'État Madeleine Albright rencontrer M. Kim en 2000.

Par contre, l'un des principaux candidats pour le poste de conseiller présidentiel aux affaires asiatiques, Jeffrey Bader du groupe de réflexion Brookings, a récemment indiqué que les négociations coréennes devraient être conçues dans une perspective d'équilibre des forces en Extrême-Orient, rapporte le quotidien sud-coréen JoongAng Ilbo. Si tel est le cas, M. Obama pourrait se contenter du statu quo, pour se concentrer sur les problèmes intérieurs. Selon M. Beck, la Corée- du-Nord n'acceptera pas des négociations à pas de tortue, et pourrait procéder à un second test nucléaire - le premier, en 2006, n'avait pas bien fonctionné.

Les tensions sont bien réelles. La Corée-du-Sud a renforcé ses troupes aux frontières, et interdit aux pêcheurs de s'approcher des eaux nord-coréennes, de peur qu'ils suscitent des escarmouches - les deux pays ont un litige frontalier en mer Jaune. Début janvier, le politologue réputé Selig S. Harrison, du groupe de réflexion Woodrow Wilson, a affirmé que des hauts diplomates nord-coréens lui ont soutenu avoir assez de plutonium militaire pour quatre ou cinq bombes. Les autorités américaines font depuis plusieurs années la même estimation, mais c'est la première fois que la Corée-du-Nord la rend publique.