Des familles des enfants victimes du lait trafiqué à la mélamine en Chine ont accusé le gouvernement d'avoir jeté de la poudre aux yeux avec la condamnation d'une poignée de personnes impliquées dans le scandale, et de faire trop peu pour leurs enfants.

La justice chinoise, devant laquelle ont comparu 21 personnes, a annoncé jeudi trois condamnations à mort, dont une avec sursis, et trois peines de détention à perpétuité, le reste des peines s'échelonnant de 2 à 15 ans de prison.

Vendredi, les médias officiels estimaient que justice avait ainsi été rendue aux familles des six bébés ayant succombé et 296.000 autres ayant eu des problèmes de santé à cause du lait contenant la substance chimique industrielle, absolument impropre à la consommation.

Mais des parents interrogés par l'AFP ne partageaient pas ce point de vue, exprimant parfois leur colère que n'aient pas été définies, et punies, les responsabilités des politiques dans cette gigantesque affaire de santé publique.

Li Xuemei, une mère, s'insurge notamment de la peine de prison à vie -- au lieu d'une condamnation à mort -- infligée à Tian Wenhua, 66 ans, l'ex-patronne de Sanlu, principal producteur de lait incriminé, basé à Shijiazhuang (Hebei).

«Les verdicts ne sont pas justes, notamment celui de Tian Wenhua», déclare-t-elle.

Certains parents se demandent si Tian n'a pas été protégée par son statut de cadre du parti communiste local et ses contacts.

Et les mêmes se demandent pourquoi aucun responsable officiel n'a été impliqué, en dépit de l'incurie manifestée dans la gestion de la crise, que les autorités locales auraient voulu étouffer le temps de laisser passer les jeux Olympiques de Pékin.

«Jusqu'à présent, personne dans le gouvernement de Shijiazhuang n'a été puni», relève Ma Hongbin, un habitant de Shenzhen (sud) dont le bébé a été malade, et qui représente de façon informelle un groupe de parents.

«En fait, pour beaucoup de gens, Tian Wenhua a été un bouc-émissaire tandis que beaucoup d'autres personnes impliquées n'auront jamais à affronter la justice», ajoute-t-il.

Pourtant, pour lui l'essentiel n'est pas là, mais bien dans le devenir des tout-petits intoxiqués par le lait, comme sa fille de 18 mois, nourrie au lait de Sanlu, autrefois si populaire.

«Le plus important c'est mon enfant. Elle a été opérée mais ne va toujours pas bien. Je ne sais pas ce qui va lui arriver».

Les 22 compagnies laitières dont le lait s'est révélé frelaté, au détriment de 296.000 enfants, dont six en sont morts, débourseront quelque 160 millions de dollars d'indemnisations, réparties selon la gravité des cas.

Familles et avocats des victimes ont cependant souligné que certains parents d'enfants tombés malades ne recevraient que des sommes ridicules voire nulles.

Ma, lui, a décidé de refuser le versement unique de 30.000 yuans (3.400 euros) qui lui était proposé.

«Le gouvernement devrait être responsable de la santé de mon enfant toute sa vie», explique-t-il.

Tous ces parents appellent de leur voeux une enquête approfondie sur les conséquences à long terme de l'ingestion de mélamine et leur traitement possible : «Nous sommes inquiets», souligne Ma.

Loin de toute cette inquiétude et de cette amertume, la presse officielle faisait montre de satisfaction vendredi: «les parents de nombreuses petites victimes devraient se sentir soulagés parce que la justice a finalement prévalu», déclarait ainsi le China Daily dans un éditorial.

«Ce procès établira, on l'espère, un précédent (...) et un meilleur climat en matière de sécurité alimentaire», ajoutait-il.

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