Le petit royaume bouddhiste himalayen du Bhoutan a couronné jeudi un souverain de 28 ans diplômé d'Oxford, qui aura la lourde tâche de poursuivre la démocratisation et le développement de cette jeune monarchie parlementaire tout en préservant ses traditions.

Le couronnement de Jigme Khesar Namgyel Wangchuck, plus jeune roi au monde, consacre un processus de modernisation et d'ouverture à la mondialisation lancé par son père, Jigme Singye Wangchuck, qui avait abdiqué fin 2006 après avoir inventé l'indicateur économique du «Bonheur national brut» préféré au «Produit national brut».

Le cinquième «Druk Gyalpo» (Roi du Dragon) a pris les rênes de la «Terre du Dragon tonnerre» lors d'une cérémonie fastueuse dans le palais Tashichho Dzong du 17e siècle à Thimphou, la minuscule capitale médiévale encaissée dans une vallée de l'Himalaya.

Précédé par des processions de gardes, danseurs, ménestrels et bonzes aux costumes flamboyants, le roi abdicataire a posé à 21 h HAE --l'heure avait été choisie par des astrologues-- sa couronne en soie rouge et noire sur la tête de son fils, qui est monté sur un trône en or pour recevoir les sacrements bouddhiques.

«C'est un jour merveilleux. Les dieux sont là et nous nous souviendrons de cet évènement qui a unifié les Bhoutanais», a proclamé le Premier ministre Jigmi Thinley.

Le souverain, décrit comme «proche du peuple, intelligent et visionnaire» a passé ensuite l'après-midi au milieu de milliers de ses sujets, souriant et plaisantant en distribuant à chacun une pièce de monnaie frappée pour l'occasion.

Surnommé le «prince charmant» pour son physique de star, l'aîné d'une fratrie de dix est diplômé en sciences politiques d'Oxford et a étudié aux Etats-Unis et en Inde.

Il hérite d'un des pays les plus mystérieux de la planète, enclavé entre la Chine et l'Inde, une toute jeune monarchie constitutionnelle, où le bouddhisme demeure religion d'Etat. C'est aussi la dernière née des démocraties de la planète grâce à ses premières élections législatives au printemps.

Longtemps isolationniste et jamais colonisé, le Bhoutan est «aujourd'hui ouvert et nous nous considérons comme des acteurs de la mondialisation», a assuré le chef du gouvernement d'un pays dont la jeunesse préfère le jean à la robe traditionnelle, le football au tir à l'arc et découvre l'internet.

Grand comme la Suisse, peuplé de 670 000 âmes, le Bhoutan est resté des siècles inconnu des Occidentaux, à l'exception de jésuites et d'émissaires britanniques du 17e au 19e siècles.

Avant la prise de pouvoir par la dynastie Wangchuck en 1907, le Bhoutan était morcelé entre une multitude de potentats. Il n'avait ni routes, ni téléphone, ni monnaie jusque dans les années 1960. Le pays ne s'est ouvert au monde que dans les années 1970, a autorisé la télévision en 1999, mais sélectionne encore ses touristes en accordant des visas à 200 dollars la journée.

L'ancien roi, âgé de 53 ans, avait promu dans les années 1970 la recherche du «Bonheur national brut» fondée sur la défense de l'identité nationale et sur une croissance économique «responsable» et respectueuse de l'environnement.

«Notre pays est de plus en plus heureux. Nous sommes un peuple heureux qui va continuer à se développer économiquement et spirituellement», s'est exclamé le Premier ministre.

Rêvé souvent en eden au coeur de l'Himalaya, le Bhoutan n'est pourtant pas à l'abri des fléaux de la modernité, comme la drogue ou la délinquance.

Thimphou est aussi critiqué par la communauté internationale depuis qu'en 1990 des Bhoutanais hindouistes d'origine népalaise ont dû fuir le royaume bouddhiste en pleine campagne nationaliste anti-népalaise déclenchée par l'ex-roi. Plus de 100.000 d'entre eux s'entassent dans des camps de l'ONU au Népal et ils n'avaient pas le coeur à célébrer le sacre de leur monarque.