Les autorités indiennes ont entamé vendredi leur difficile enquête au lendemain de douze attentats coordonnés dans le nord-est, faisant 76 morts et 300 blessés et attribués à une rébellion séparatiste peut-être épaulée par des islamistes.

La pire attaque «terroriste» jamais commise dans l'Etat de l'Assam a poussé le ministre fédéral de l'Intérieur Shivraj Patil à se rendre dans cette région reculée. «Nous ne voulons pas dévoiler de détails sur les éventuels responsables, mais nous sommes certains de les attraper», a-t-il assuré au chevet de blessés.

La police interrogeait vendredi une dizaine de personnes et «nous devrions être en mesure d'identifier les gens ou les groupes impliqués», a renchéri un policier.

La veille, les douze bombes ont fait un carnage en moins d'une heure dans la ville principale de l'Assam, Guwahati, cible de six engins qui ont déchiqueté 43 personnes. Trois autres départements ont été meurtris avec une trentaine de morts.

Au total, «76 personnes sont mortes» après que quinze eurent succombé à leurs blessures dans la nuit, a indiqué Subhas Das, le plus haut fonctionnaire du ministère régional de l'Intérieur.

Les autorités locales n'ont reçu aucune revendication, mais elles soupçonnent la guérilla du Front de libération de l'Asom (ULFA), en lutte armée depuis 1979 pour l'indépendance de l'Assam.

L'ULFA a cependant affirmé n'être «en aucune manière impliqué» et la police penche plutôt pour la piste islamiste. «Des forces jihadistes pourraient être derrière tout cela en coopération avec des rebelles locaux», avait révélé jeudi à l'AFP le chef des services de renseignement de l'Assam, Khagen Sharmna.

De fait, des groupuscules musulmans fondamentalistes ont été repérés dans la région, en particulier le Harkat-ul-Jihad-al-Islami (HuJI) basé au Bangladesh.

Ces dernières années, l'Inde est régulièrement frappée par le terrorisme et le théâtre depuis novembre 2007 d'attentats revendiqués par un groupe islamiste local, les Moudjahidine indiens, qui ont fait 150 morts, dont 24 en septembre à New Delhi.

Le nord-est de l'Inde forme une enclave nichée entre le Bhoutan et la Chine au nord, la Birmanie à l'est et le Bangladesh à l'ouest. Les Etats fédérés de Manipur, Nagaland, Assam, Meghalaya, Tripura et Mizoram sont en proie à des insurrections séparatistes ou autonomistes et à des violences intercommunautaires qui ont fait 50.000 morts depuis l'indépendance de l'Inde en août 1947.

Dans l'Assam, connu pour ses magnifiques plantations de thé à flanc de colline, les violences ont fait 10.000 morts en vingt ans.

Mais la guérilla de l'ULFA, un temps populaire, a perdu le soutien de l'ensemble de la population depuis que des attentats en ville fauchent des civils.

Sur les 26 millions d'habitants de l'Assam, on compte un quart de migrants venus d'autres Etats de l'Union fédérale indienne, dont 800.000 Indiens du Bihar. Les tensions interrégionales y sont fréquentes. Un attentat attribué à l'ULFA a fait 62 morts en janvier 2007, surtout des immigrés indiens parlant l'hindi et non la langue locale de l'Assam.

A Guwahati, le couvre-feu imposé jeudi a été levé, mais 200 habitants en colère face à l'absence de mesures antiterroristes ont manifesté, s'opposant parfois violemment à la police. «Nous n'allons pas nous laisser intimider par des terroristes», a déclaré l'un d'eux, Jiban Kakoti.

Chaque attentat en Inde attise la polémique sur les carences de la politique antiterroriste de la dixième puissance économique mondiale dont les enquêtes, en général, n'aboutissent pas.