L'ex-premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, renversé en 2006 par l'armée et exilé à Londres, a été condamné mardi à deux ans de prison pour conflit d'intérêts dans le cadre d'une transaction immobilière effectuée par son épouse alors qu'il était au pouvoir.

Il s'agit de la première condamnation contre M. Thaksin dont les alliés, revenus au pouvoir cette année à Bangkok, sont confrontés à d'incessantes manifestations.

Le verdict, acquis par cinq voix contre quatre, a été prononcé par la Cour suprême thaïlandaise, qui jugeait le dirigeant déchu par contumace.

M. Thaksin (59 ans) a cependant été blanchi des accusations plus graves d'abus de pouvoir en vue d'influencer directement une transaction immobilière en 2003 au profit de son épouse, Pojaman.

La Cour suprême a estimé qu'en tant que premier ministre, M. Thaksin n'aurait pas dû laisser Mme Pojaman participer au processus d'acquisition d'un terrain de cinq hectares dans Bangkok racheté en 1995 par un fonds d'investissement dépendant de la banque centrale de Thaïlande.

«Thaksin a violé» l'article de la Constitution sur les conflits d'intérêts, alors qu'il était chef d'un gouvernement «censé travailler pour le bien du public», a déclaré le juge Tonglor Chomngarm, qui présidait l'audience. «Il est condamné à deux ans de prison».

Un magistrat a aussitôt déclaré à l'AFP qu'une demande d'extradition allait être présentée à la Grande-Bretagne.

Mme Pojaman (51 ans) a été acquittée pour l'affaire du terrain mais avait été condamnée à trois de prison le 31 juillet pour fraude fiscale dans le cadre d'une autre affaire.

M. Thaksin et Mme Pojaman, qui s'étaient enfuis en Grande-Bretagne au mois d'août, encouraient chacun jusqu'à treize ans de prison.

M. Thaksin, puissant homme d'affaires, a gouverné la Thaïlande de 2001 à 2006 avant d'être évincé par des généraux royalistes qui l'ont accusé de mêler en permanence affaires et politique.

L'ex-premier ministre --dont les alliés ont largement remporté des législatives le 23 décembre 2007, les premières depuis le putsch-- fait l'objet de multiples enquêtes et procédures judiciaires en Thaïlande. Quatre mandats d'arrêt ont été lancés contre lui.

Il n'a cessé de clamer son innocence, affirmant être la cible d'une vendetta et ne plus croire en la justice de son pays.

M. Thaksin, originaire de Chiang Mai (nord), compte de nombreux ennemis à Bangkok, regroupés au sein d'une «Alliance du peuple pour la démocratie» (PAD), à l'origine de toutes les manifestations antigouvernementales ces dernières semaines.

La PAD dispose de puissants relais parmi les élites traditionnelles de Bangkok, que ce soit dans l'armée ou dans l'appareil judiciaire.

Les militants de la PAD, qui occupent depuis le 26 août le siège du gouvernement à Bangkok, ont applaudi à l'annonce du verdict mardi.

«Il est clair que Thaksin a créé des politiques qui ont fourni des avantages à sa famille et à ses amis. La PAD est heureuse et salue la décision de la cour», a déclaré à l'AFP Suriyasai Katasila, porte-parole de ce mouvement qui vise à renverser le gouvernement élu.

Le 9 septembre, la Cour constitutionnelle avait contraint à la démission le premier ministre Samak Sundaravej, un allié de M. Thaksin, pour avoir continué de présenter des émissions culinaires à la télévision malgré ses fonctions.

M. Samak a été remplacé par un beau-frère de M. Thaksin, Somchai Wongsawat, qui a été désigné premier ministre le 17 septembre.