La police indienne a tué vendredi à New Delhi le chef d'un groupe islamiste responsable d'attentats ces derniers mois en Inde, au moment où le pays reconnaît être la cible de «terroristes» indiens et non plus seulement de ceux venus du Pakistan ou du Bangladesh.

Une fusillade à l'arme légère entre policiers et islamistes a duré près d'une heure, en pleine après-midi, dans le quartier musulman populaire de Jamia Nagar, où des enquêteurs traquaient des suspects d'attentats à la bombe perpétrés le 13 septembre en plein coeur de New Delhi, qui ont fait 24 morts et cent blessés.

Au cours de ces accrochages, rarissimes dans la capitale, «Atif alias Bashir, l'un des principaux dirigeants des Moudjahidine indiens, a été tué», a déclaré à la presse le commissaire de la police municipale Y.S. Dadhwal.

«Il est lié à la vague d'attentats dans le pays», a-t-il assuré.

Un deuxième «terroriste a été abattu», un troisième a été interpellé mais deux autres ont réussi à s'échapper dans l'entrelacs de ruelles de ce district animé du sud de New Delhi, a précisé l'officier.

Les forces de l'ordre sont sur les dents depuis l'explosion de cinq bombes qui ont ensanglanté samedi le coeur commerçant et touristique de la ville, une action audacieuse revendiquée «au nom d'Allah» par cette organisation islamiste locale, les Moudjahidine indiens.

Ce mystérieux groupe avait déjà revendiqué seize attentats commis en juillet à Ahmedabad, grande ville de l'Etat du Gujarat (ouest), ceux en mai à Jaïpur (Etat touristique du Rajasthan, nord-ouest) et des attaques coordonnées en novembre 2007 dans trois villes de l'Uttar Pradesh (nord).

Plus de 150 personnes ont ainsi perdu la vie en moins d'un an.

Ces carnages attisent une polémique en Inde sur les carences de la politique antiterroriste de la dixième puissance économique mondiale, forte de ses dizaines de millions d'Indiens des classes moyennes, frappée en moyenne tous les trois mois par des attentats.

Certes, la sécurité est draconienne dans les aéroports. Mais la presse se gausse de la faiblesse des équipements (télé-surveillance, détecteurs de métaux...) dans les gares, hôtels, restaurants, magasins et lieux de culte.

Le gouvernement a bien promis 7.000 policiers supplémentaires et des caméras de surveillance, tout en reconnaissant que ses services du renseignement ne sont pas à la hauteur d'une menace «terroriste» urbaine incarnée dorénavant par des islamistes indiens.

Jusqu'à récemment, les autorités montraient du doigt des organisations extrémistes étrangères, soutenues par le Pakistan ou le Bangladesh, deux pays musulmans nés de la partition de l'Empire britannique des Indes d'août 1947 et de l'indépendance en 1971 de l'ex-Pakistan oriental rebaptisé Bangladesh.

Admettant aujourd'hui l'irruption de ce «terrorisme islamiste indien», les autorités avancent tout de même sur des oeufs dans un pays de 1,1 milliard d'habitants --avec 80% d'hindous et 14% de musulmans-- dont l'histoire est jalonnée d'émeutes inter-religieuses.

D'ailleurs, un dignitaire musulman a prié ce mois-ci la police et l'armée de cesser les «arrestations arbitraires», voire les «assassinats» de ses coreligionnaires au cours d'opérations antiterroristes.

«Nous, les musulmans, nous sommes toujours les terroristes», pestait ainsi un adolescent après la fusillade de vendredi.

«Nous avons peur d'une police partiale et peur que nos enfants soient pris pour cible», s'est plaint Faiyaz Ahmad Khan, professeur d'ingénierie à l'université de Jamia Millia et qui avairt assisté aux échanges de tirs.