(Achgabat) Le Turkménistan a élu dimanche ses députés lors des premières élections législatives depuis la réforme constitutionnelle qui a consolidé en janvier la mainmise de la famille Berdymoukhamedov sur ce pays reclus et autoritaire d’Asie centrale.

Les bureaux de vote de ce pays, quasiment entièrement recouvert par les sables bordant la mer Caspienne, ont fermé à 19 h locales (10 h, heure de l’Est), selon la commission électorale.

La participation avait presque atteint les 75 % huit heures après l’ouverture des bureaux, où se pressaient les électeurs, a constaté un journaliste de l’AFP.

L’économie turkmène repose quasi exclusivement sur la commercialisation de ses immenses réserves de gaz, d’autant plus convoitées depuis l’invasion russe de l’Ukraine. Ces derniers mois, le président turkmène a notamment rencontré ses homologues russe Vladimir Poutine et chinois Xi Jinping.

Ex-république soviétique, le Turkménistan est dirigé depuis plus de 16 ans par les Berdymoukhamedov et aucune élection n’a été jugée libre et équitable par les observateurs occidentaux.

Duo père-fils

Le président Serdar Berdymoukhamedov, quadragénaire au visage austère, a pris en mars 2022 la succession de son père de 65 ans, Gourbangouly, connu pour sa démesure et son culte de la personnalité débridé durant son règne débuté en 2006.

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L’ex-président turkmène Gourbangouly Berdymoukhamedov

Mais loin de se mettre en retrait, Gourbangouly Berdymoukhamedov, a proposé en janvier d’abolir la chambre haute du Parlement, pourtant créée à sa demande en 2021, et de revenir à un système monocaméral.

Après cette proposition votée à l’unanimité, M. Berdymoukhamedov a été nommé président d’un nouvel organe suprême.

Ce Conseil populaire a la mainmise sur les grandes orientations de la politique intérieure et extérieure du Turkménistan, reléguant de facto l’Assemblée et ses 125 députés au second plan.

M. Berdymoukhamedov père, déjà officiellement « Héros-Protecteur » (Arkadag), a été fait « chef de la nation turkmène » et une ville en son honneur est en cours de construction.

« Il est nécessaire de poursuivre les efforts du Héros-Protecteur et de notre cher président », assure à l’AFP Ogoulgourban Ezimova, présidente d’un bureau de vote à Achgabat, la capitale.

Dans son bureau de vote, les électeurs de 18 ans votant pour la première fois recevront « des cadeaux, des fleurs et des livres de notre cher Protecteur » pour qu’ils « se souviennent de ce jour spécial dans leur vie ».

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Une Turkmène se prépare à voter, dimanche.

Parmi eux, Maïa Ataeva, qui vient tout juste de recevoir ces cadeaux. « Nous, les étudiants, prenons particulièrement au sérieux ces élections, car comme l’a dit notre cher président Serdar Berdymoukhamedov, elles marquent une nouvelle étape de la démocratisation du pays », dit-elle à l’AFP.

Cadeaux

Si Serdar et Gourbangouly Berydymoukhamedov ont maintes reprises répété que ces élections se déroulaient selon des principes démocratiques, l’opposition est absente du scrutin et la censure règne dans ce pays qui occupe les tréfonds du classement de RSF pour la liberté de la presse, en compagnie de la Corée du Nord, l’Érythrée et l’Iran.

Hors des bureaux de vote, l’enthousiasme des électeurs rencontrés par l’AFP avant le scrutin semblait relativement mesuré.

Car hormis la biographie détaillée des 258 candidats publiée par le journal officiel Le Turkménistan neutre, il est difficile de trouver la trace d’un programme.

Visages fermés, cravates et costumes noirs pour les hommes et costumes traditionnels colorés pour les femmes, ces candidats sont issus de trois partis et de groupes de citoyens. Mais tous appuient la politique du président.

Si ce pays fermé – le seul au monde à n’avoir jamais reconnu la moindre contamination à la COVID-19 – ne communique pas sur son niveau de chômage, la situation économique est loin d’être idyllique. Et le régime n’a pas relâché son emprise sur la population.

« J’ai regardé l’an dernier l’investiture du président, beaucoup attendaient du jeune chef d’État d’importantes réformes », raconte à l’AFP Maksat Redjenov, entrepreneur déçu.

Vendeur au marché d’Achgabat, Achir Ovezov, la trentaine, ne connaît pas les candidats et doit « travailler du matin au soir » pour nourrir sa famille.

Cela n’a pas empêché le taux de participation d’avoisiner les 90 %.