(Séoul) La Corée du Sud et les États-Unis ont débuté lundi leurs plus importantes manœuvres militaires conjointes en cinq ans, malgré les menaces de la Corée du Nord, qui a annoncé quelques heures plus tôt avoir tiré deux missiles de croisière depuis un sous-marin.

Pyongyang a déclaré que son tir visait à vérifier ses « moyens de dissuasion nucléaire dans différents espaces », tout en critiquant les exercices « Freedom Shield » entre les forces américaines et sud-coréennes, prévus pour durer au moins dix jours afin de lutter contre les menaces croissantes de Pyongyang.

La Corée du Nord a rapporté que « les deux missiles de croisière ont frappé précisément la cible prédéfinie dans la mer orientale de Corée », selon l’agence officielle KCNA, en référence à l’étendue d’eau aussi appelée mer du Japon.

Les sanctions actuelles de l’ONU n’interdisent pas en pratique Pyongyang de tirer des missiles de croisière. Les essais relatifs à son arsenal nucléaire ne lui sont cependant pas permis.

PHOTO ANTHONY WALLACE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Un téléviseur présente des images d’un tir de missile de la Corée du Nord, dans une gare de train à Séoul.

Ce test est lié au fait que Séoul et Washington « avancent de manière de moins en moins dissimulée dans leurs manœuvres militaires contre la » Corée du Nord, selon KCNA.

L’état-major interarmées sud-coréen a rapporté avoir détecté le lancement, dimanche, d’au moins un missile non identifié depuis un sous-marin nord-coréen, ajoutant que les services de renseignement américains et sud-coréens analysent les faits.

Des images diffusées sur les médias d’État nord-coréens montrent un sous-marin, le 824 Yongung, un missile s’élançant vers le ciel, ainsi que de la fumée blanche et des flammes.

Des experts ont exprimé d’« importants doutes » quant à l’avancée du programme de sous-marin de Pyongyang. Pour Park Won-gon, professeur à l’Université Ewha de Séoul, les images transmises suggèrent que le missile a été tiré au-dessus de la surface de l’eau.

« Dans ce cas, il est inutile [d’effectuer un tir] depuis un sous-marin » car ce n’est pas furtif, a-t-il observé pour l’AFP.

Exercices défensifs

Les exercices « Freedom Shield » « impliquent des procédures de temps de guerre pour repousser de potentielles attaques nord-coréennes et conduire une campagne de stabilisation dans le Nord », a décrit l’armée sud-coréenne.

L’état-major interarmées sud-coréen a insisté sur le fait que ces exercices sont « défensifs [et] se fondent sur un plan opérationnel conjoint ».

Tous les exercices de ce type suscitent l’ire de Pyongyang qui les considère comme des répétitions générales à une invasion de son territoire, et met en garde régulièrement contre une action « écrasante » en réponse à ceux-ci.

« La Corée du Nord utilise des missiles pour [dénoncer] les exercices conjoints », a soutenu Go Myong-hyun, chercheur à l’Asan Institute for Policy Studies de Séoul.

« Elle veut souligner que la raison pour laquelle elle développe des missiles est à des fins d’autodéfense. »

Le ministère nord-coréen des Affaires étrangères a également publié lundi un communiqué pour critiquer « le racket vicieux des Américains quant aux “ droits de l’homme ” », après que Washington a annoncé convoquer une réunion à l’ONU cette semaine sur les atteintes aux droits de la personne en Corée du Nord.

D’autres tirs possibles

En 2022, le Nord a qualifié d’« irréversible » son statut de puissance nucléaire et a conduit un nombre record d’essais balistiques en violation de résolutions de l’ONU.  

Vendredi, KCNA a rapporté que Kim Jong-un avait ordonné à son armée d’intensifier ses manœuvres militaires en vue d’une « guerre réelle ».

Washington a réaffirmé à plusieurs reprises son engagement « sans faille » à défendre la Corée du Sud en utilisant « toute la gamme de ses capacités militaires, y compris nucléaires » et récemment cherché à rassurer Séoul quant à leur capacité de dissuasion élargie à leurs alliés.

La Corée du Sud, pour sa part, cherche à apaiser une opinion publique plutôt inquiète quant aux engagements américains en matière de dissuasion dite élargie permettant, grâce à des moyens militaires américains incluant l’arme nucléaire, de prévenir les attaques contre les alliés.

Bien que la politique officielle des deux pays à l’égard du Nord n’ait pas changé, à savoir que le leader nord-coréen doit renoncer à ses armes nucléaires et revenir à la table des négociations, les experts estiment qu’il y a eu un changement en pratique.

Washington a « effectivement reconnu que la Corée du Nord ne renoncera jamais à son programme nucléaire », a déclaré à l’AFP le transfuge An Chan-il, directeur de l’Institut mondial d’études nord-coréennes.

« Freedom Shield » sera en conséquence « très différent — tant sur le plan qualitatif que quantitatif — des exercices conjoints précédents qui ont eu lieu ces dernières années », a-t-il ajouté.

Il est probable que Pyongyang se servira de « Freedom Shield » comme d’une « excuse » pour investir davantage dans ses programmes d’armements interdits, selon Chun In-bum, un général de l’armée sud-coréenne à la retraite.  

« Il faut s’attendre à d’autres tirs de missiles, avec des variations de style et de portée, et même à un essai nucléaire. D’autres actes d’intimidation de la part de la Corée du Nord ne seraient pas surprenants. »