(Séoul) Au moins 151 personnes, dont 19 étrangers, sont mortes et de nombreuses autres ont été blessées samedi soir dans une bousculade dans le centre de Séoul où des dizaines de milliers de fêtards, pour la plupart très jeunes, célébraient l’Halloween pour la première fois après la pandémie.

Déplorant « une tragédie et un désastre qui ne devraient pas s’être produits », le président sud-coréen Yoon Suk-yeol a promis que son gouvernement enquêterait « rigoureusement » pour déterminer les causes de la catastrophe, l’une des plus graves de l’histoire récente de la Corée du Sud.

« J’ai le cœur lourd et il m’est difficile de contenir mon chagrin », a ajouté dans une adresse télévisée à la nation le chef de l’État, qui s’est rendu dimanche matin le lieu du drame, vêtu de l’uniforme vert des secours d’urgence, et a décrété le deuil national.

Corps alignés sur le trottoir sous des couvertures ou autres linceuls de fortune, massages cardiaques pratiqués dans la rue par des passants à la demande des pompiers débordés, personnes déguisées ou en tenue de soirée courant dans la panique : la nuit a viré au cauchemar dans le quartier d’Itaewon, situé près d’une ancienne base militaire américaine et connu pour son atmosphère cosmopolite, ses bars et ses lieux de fête en tout genre dans un dédale d’étroites ruelles.

« Mon ami m’a dit : il y a quelque chose de terrible qui se passe dehors », a raconté Jeon Ga-eul, 30 ans, qui buvait un verre dans un bar au moment du drame. « Je lui ai répondu : mais qu’est-ce que tu racontes ? Je suis sorti pour voir, et j’ai vu des gens qui faisaient des massages cardio-respiratoires ».

PHOTO JUNG YEON-JE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des corps de victimes couverts de bâches étaient visibles sur place.

L’accident s’est produit samedi vers 22 h (13 h GMT) près de l’hôtel Hamilton, situé sur une avenue principale entourée de ruelles en pente raide. Le mouvement de foule a fait au moins 151 morts, dont 19 étrangers de diverses nationalités, 97 femmes et 54 hommes, ont indiqué les pompiers à l’AFP.

Les chiffres des blessés étaient divergents, le ministère de l’Intérieur en comptabilisant environ 150 et les pompiers 82.

Parmi les étrangers tués figurent des personnes originaires d’Iran, d’Ouzbékistan, de Chine et de Norvège, selon l’agence Yonhap.

Selon les autorités de Séoul, 355 personnes avaient par ailleurs été signalées comme manquantes tôt dimanche matin.

« Comme dans une tombe »

« Les gens étaient les uns sur les autres comme dans une tombe. Certains perdaient connaissance progressivement, d’autres étaient manifestement morts », a déclaré un témoin non identifié à Yonhap.

Dans une entrevue à la chaîne de télévision locale YTN, Lee Beom-suk, un médecin qui a administré des premiers soins aux victimes, a décrit des scènes de chaos et d’horreur.

PHOTO LEE JIN-MAN, ASSOCIATED PRESS

« Lorsque j’ai tenté pour la première fois de pratiquer un massage cardiaque, il y avait deux victimes allongées sur le trottoir. Mais peu après le nombre a explosé », a-t-il raconté.

« De nombreux passants sont venus nous aider à pratiquer des massages cardiaques », a-t-il poursuivi. « C’est difficile à décrire avec des mots. […] Beaucoup de victimes avaient le visage pâle. Je ne pouvais pas prendre leur pouls ou contrôler leur respiration, et beaucoup d’entre elles avaient le nez en sang. Lorsque j’ai essayé de les réanimer, du sang est sorti de leur bouche ».

Une vidéo partagée sur Twitter par une internaute déclarant s’être trouvée à Itaewon au moment du drame montre des centaines de personnes, pour la plupart très jeunes et en tenue de cowboy, de pirate ou autres accoutrements, dans une rue bordée de bars. La scène, calme au départ, tourne brusquement à la confusion. Les passants sont poussés et tombent les uns sur les autres, on entend des hurlements et une femme jurer en anglais et crier : « Oh mon Dieu ! Oh mon Dieu ! »

PHOTO KIM HONG-JI, REUTERS

Les effets personnels des victimes regroupés près des lieux de la bousculade.

Dimanche à l’aube dans le quartier, des passants hébétés étaient assis sur le trottoir, consultant leurs téléphones à la lueur des gyrophares rouges. D’autres se réconfortaient en se serrant dans les bras les uns des autres, tandis que de la musique s’échappait encore de certains bars, selon un photographe de l’AFP sur place.

Première fête après la COVID-19

Environ 100 000 personnes, selon les estimations des médias locaux, étaient venues à Itaewon pour cette fête d’Halloween, la première dans la capitale sud-coréenne depuis la pandémie de COVID-19, au cours de laquelle les grands rassemblements avaient été proscrits.

Le maire de Séoul, Oh Se-hoon, qui se trouvait en visite en Europe, a décidé de rentrer précipitamment, selon Yonhap.

PHOTO YELIM LEE, AGENCE FRANCE-PRESSE

De nombreux dirigeants internationaux ont fait part de leur consternation.

« Nous pleurons avec le peuple de la République de Corée et adressons nos meilleurs vœux de prompt rétablissement à tous ceux qui ont été blessés », a déclaré dans un communiqué le président américain Joe Biden.

Les mouvements de foule les plus meurtriers depuis dix ans

La bousculade qui a fait au moins 146 morts à Séoul dans la nuit de samedi à dimanche lors d’une fête d’Halloween figure parmi les mouvements de foule les plus meurtriers des dix dernières années.

La Mecque : 2300 morts

Le 24 septembre 2015, une gigantesque bousculade sur le site de la lapidation des stèles à Mina près de La Mecque, lors du pèlerinage annuel, fait quelque 2300 morts, soit la catastrophe la plus meurtrière de l’histoire du hajj.

L’Iran, qui a annoncé la mort de 464 de ses pèlerins, a vivement mis en cause l’Arabie saoudite pour son organisation jugée défaillante.

Des pèlerins ont expliqué la bousculade par la fermeture d’une route près du site de la lapidation et la mauvaise gestion par les forces de sécurité du flux des fidèles. Après l’Iran, le Mali — avec 282 morts — est le deuxième pays le plus touché.

Corée du Sud : au moins 146 morts

Dans la nuit du 29 au 30 octobre 2022, au moins 146 personnes sont tuées et 150 blessées dans une bousculade à Séoul lors d’une fête d’Halloween avec plusieurs milliers de participants dans les rues étroites d’un quartier de la capitale sud-coréenne.

Indonésie : au moins 133 morts

Le 1er octobre 2022, un mouvement de foule survient dans un stade de football à Malang (Est de l’île de Java) après que la police a voulu repousser des supporteurs avec du gaz lacrymogène, provoquant la mort de 133 personnes, dont plus d’une quarantaine d’enfants.

De nombreuses victimes, prises de panique, ont été écrasées ou asphyxiées en tentant d’emprunter des portes de sortie fermées ou trop étroites.

Six personnes, dont trois policiers, ont été mis en examen et le chef de la police régional transféré. Le stade Kanjuruhan va être démoli.

Inde : au moins 115 morts

Le 13 octobre 2013, une bousculade en marge d’une fête religieuse près d’un temple du district de Datia, dans l’État indien du Madhya Pradesh (centre), fait au moins 115 morts, piétinés ou noyés, et plus de 110 blessés.

Au moment de l’accident, quelque 20 000 personnes se trouvaient sur un pont enjambant la rivière Sindh. Selon les autorités locales, une rumeur sur un possible effondrement du pont percuté par un tracteur a généré un mouvement de foule.

Côte d’Ivoire : au moins 60 morts

Le 1er janvier 2013, au moins 60 personnes, dont de nombreux jeunes, meurent lors d’une bousculade survenue quand une foule immense de spectateurs quittait le quartier administratif du Plateau à Abidjan (centre) après avoir assisté aux feux d’artifice de la Saint-Sylvestre.

Iran : 56 morts

Le 7 janvier 2020, une bousculade à Kerman (sud-est) lors des funérailles du général iranien Qassem Soleimani, auxquelles participait une foule immense, se solde par 56 morts.

Soleimani, tué le 3 janvier par une frappe de drone américain devant l’aéroport de Bagdad, était considéré comme un héros dans le pays.

Éthiopie : au moins 52 morts

Le 2 octobre 2016, au moins 52 personnes décèdent selon les autorités — au moins 100, selon l’opposition — dans un mouvement de foule à Bishoftu (50 km au sud-est d’Addis Abeba), après des affrontements avec la police pendant le traditionnel festival oromo Irreecha qui marque la fin de la saison des pluies.

Tanzanie : 45 morts

Le 21 mars 2021, 45 personnes meurent dans une bousculade au stade de Dar es Salaam, capitale économique de la Tanzanie, où se tenait un hommage au président défunt John Magufuli.

Israël : 45 morts

Le 30 avril 2021, une bousculade lors du pèlerinage marquant la fête juive de Lag Baomer au mont Meron dans le nord d’Israël fait au moins 45 morts, assombrissant le plus grand rassemblement dans le pays depuis le début de la pandémie de COVID-19.

Le président français Emmanuel Macron a exprimé « une pensée émue pour les habitants de Séoul et pour l’ensemble du peuple coréen ».

C’est un triste jour pour la Corée du Sud », a tweeté le chancelier allemand Olaf Scholz.