La Chine fait face à une vague de chaleur exceptionnelle qui frappe de plein fouet des centaines de millions de personnes et donne de nombreux maux au gouvernement.

L’administration météorologique chinoise, dans un bilan publié il y a quelques jours, relève que près de 40 % des 2400 stations de mesure réparties sur le territoire ont enregistré depuis juin des températures dépassant 40 ˚C.

Le mercure a par ailleurs grimpé à des niveaux sans précédent dans 300 stations, relève l’organisation.

Certaines villes importantes ont battu des records de température à plusieurs reprises en quelques semaines, la chaleur persistant tant le jour que la nuit.

C’est le cas notamment à Chongqing, dans le sud-ouest du pays, qui vient d’enregistrer un minimum quotidien inédit de 34,9 ˚C.

Un « four permanent »

  • Le niveau d’eau très bas de la rivière Jialing, affluent du fleuve Yangtsé, permet de marcher sous le pont, à Chongqing.

    PHOTOS NOEL CELIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Le niveau d’eau très bas de la rivière Jialing, affluent du fleuve Yangtsé, permet de marcher sous le pont, à Chongqing.

  • Des fauteuils de massage servent d’aire de repos pour des Chinois qui se sont réfugiésà l’intérieur d’un centre commercial pour se mettre à l’abri de la température torride de Chongqing.

    PHOTO NOEL CELIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Des fauteuils de massage servent d’aire de repos pour des Chinois qui se sont réfugiésà l’intérieur d’un centre commercial pour se mettre à l’abri de la température torride de Chongqing.

  • Une station de métro est devenue le lieu d’une partie de cartes improvisée pour ceux qui souhaitent rester au frais.

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    Une station de métro est devenue le lieu d’une partie de cartes improvisée pour ceux qui souhaitent rester au frais.

  • Vue aérienne de la rivière Jialing, dont le débit a grandement diminué avec la sécheresse

    PHOTO NOEL CELIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Vue aérienne de la rivière Jialing, dont le débit a grandement diminué avec la sécheresse

  • Depuis deux semaines, le mercure n’a pas descendu sous les 32 ˚C  à Chongqing.

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    Depuis deux semaines, le mercure n’a pas descendu sous les 32 ˚C à Chongqing.

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Maximiliano Herrera, météorologue qui recense quotidiennement les températures extrêmes observées à travers le monde, relevait mercredi sur Twitter que la ville n’avait pas vu le mercure passer sous la barre des 32 ˚C depuis deux semaines. Il la décrit comme un « four permanent ».

Bob Henson, météorologue américain qui collabore avec un observatoire environnemental rattaché à l’Université Yale, relève en entrevue que la vague de chaleur chinoise est « impressionnante » tant par sa durée que par son intensité et son étendue.

« Quand on réunit tous les indicateurs, c’est tout simplement hallucinant », note M. Henson.

La situation est « parfaitement compatible » avec ce à quoi on doit s’attendre d’une planète qui se réchauffe, souligne le météorologue en insistant sur la probabilité accrue de phénomènes extrêmes.

La vague de chaleur, conjuguée à un faible niveau de précipitations, alimente une grave sécheresse qui a considérablement réduit le débit du Yangtsé.

Cette diminution affecte la capacité de production hydroélectrique du pays et a forcé notamment la province du Sichuan, qui dépend largement de cette source d’approvisionnement énergétique, à imposer des restrictions, ajoutant aux tourments de la population.

La semaine dernière, de nombreuses usines ont été contraintes d’interrompre leurs activités en raison de mesures de rationnement imposées au secteur industriel.

Récolte menacée

Le manque d’eau représente aussi une menace pour la production agricole.

Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur du Canada à Pékin, relève que certaines des provinces durement touchées par la sécheresse sont des zones importantes dans ce domaine.

Une perte de récoltes majeure serait susceptible de forcer les autorités à accroître les importations et de faire monter les prix de certaines denrées de base, une situation susceptible d’alimenter la grogne populaire.

Le président Xi Jinping voudra éviter ce type de scénario alors qu’il s’apprête à solliciter un nouveau mandat à la tête du pays lors du congrès national du Parti communiste, relève M. Saint-Jacques.

Quatre ministères ont diffusé mercredi un avis urgent à l’attention des autorités locales en soulignant que la récolte automnale était « sérieusement menacée ».

Selon le quotidien The Guardian, ils ont prévenu que « chaque unité d’eau… devait être utilisée avec précaution » de manière à éviter le pire, en martelant que ces directives venaient directement du chef de l’État.

Conscients des risques

Selon M. Saint-Jacques, les autorités chinoises sont conscientes depuis longtemps des risques liés au réchauffement climatique et de leur impact potentiel sur le pays.

Le gouvernement avait expressément relevé dans un document officiel produit en juin que le phénomène rendait la Chine plus vulnérable à des évènements climatiques « soudains et extrêmes ».

Des sommes considérables ont été investies dans les énergies vertes, mais le pays demeure largement dépendant pour l’heure du charbon comme source énergétique et demeure le plus important producteur de gaz à effet de serre de la planète.

Des spécialistes craignent que les pénuries liées à la sécheresse ne favorisent l’adoption à court terme de solutions basées sur le recours aux énergies fossiles.

Tous les pays de la planète, dont la Chine, doivent trouver un équilibre entre des besoins immédiats et des considérations à plus long terme. Il est donc très important que les sparadraps utilisés à court terme ne deviennent pas permanents.

Bernice Lee, chercheuse rattachée à Chatam House

Le météorologue Bob Henson note que de nombreux États à travers le monde se voient obligés actuellement de revoir leur approvisionnement énergétique dans un contexte de crise exacerbé par la guerre en Ukraine.

Il serait étonnant, dit-il, que la gravité de la vague de chaleur frappant la Chine freine à long terme la recherche par ses dirigeants de solutions limitant les gaz à effet de serre.

« Une vague aussi importante qui affecte autant de gens, je vois mal comment ça peut ne pas entraîner des changements dramatiques en ce sens », conclut le météorologue.