(Kashihara) L’ancien premier ministre japonais Shinzo Abe a été assassiné vendredi par balle en plein rassemblement électoral à Nara (Ouest), un meurtre qui a suscité une vive émotion au Japon et à l’étranger.

Ce que vous devez savoir

  • Shinzo Abe prononçait un discours en fin de matinée près d’une gare à Nara lors d’un rassemblement de campagne en vue des élections sénatoriales de dimanche ;
  • Il a été transporté à l’hôpital à 12 h 20, heure locale. Il est mort à 17 h 03, heure locale ;
  • Un homme d’une quarantaine d’années a été aussitôt désarmé et arrêté ;
  • Le suspect serait un Japonais de 41 ans ayant par le passé appartenu à la Force maritime d’autodéfense japonaise ;
  • La police japonaise a procédé à une perquisition au domicile du suspect ;
  • « Le suspect a déclaré avoir gardé rancune à une certaine organisation et il a avoué avoir commis le crime parce qu’il croyait que l’ancien premier ministre Abe lui était lié », a déclaré un policier ;
  • Le président français Emmanuel Macron s’est dit vendredi « profondément choqué par l’attaque odieuse » ;
  • La Chine se dit « choquée » par l’attaque contre Shinzo Abe ;
  • « C’est un moment très, très triste », a déclaré le secrétaire d’État américain Antony Blinken ;
  • « L’OTAN se tient aux côtés du peuple de notre proche partenaire, le Japon », a déclaré le secrétaire de l’OTAN Jens Stoltenberg ;
  • La Russie a dénoncé « un crime monstrueux » et un « acte de terrorisme qui n’a et ne peut avoir aucune justification ».

Arrêté pour ce crime, le suspect, un chômeur de 41 ans, Tetsuya Yamagami, a avoué avoir délibérément visé M. Abe, expliquant en vouloir à une organisation à laquelle il croyait qu’il était affilié, a annoncé la police.

Cette dernière a refusé de donner des détails sur l’« organisation particulière » mentionnée par le tireur présumé car des investigations sont en cours à ce sujet, mais plusieurs médias japonais ont évoqué un groupe religieux.

« Nous avons déterminé que [l’arme utilisée] était clairement d’apparence artisanale, bien qu’une analyse soit actuellement en cours », a précisé à la presse un policier.

Le suspect a été photographié sur les lieux tenant un grand objet carré noir qui semblait avoir deux barillets.

PHOTO THE YOMIURI SHIMBUN/KYODO VIA REUTERS

Le suspect a été arrêté sur le lieu de la tragédie.

Des agents en tenue de protection ont de leur côté commencé à fouiller son domicile en fin d’après-midi et ont confisqué « plusieurs objets ressemblant à des armes à feu fabriquées artisanalement ».

Deux balles au cou

Shinzo Abe, 67 ans, a été rapidement transporté, en hélicoptère, à l’hôpital où il a été déclaré mort quelques heures plus tard, malgré les efforts déployés par une équipe de 20 médecins.

Il a été atteint de deux balles au cou, selon une source médicale.

La veuve de Shinzo Abe, Akie, a pris place samedi à 6 h locale (21 h GMT vendredi) dans un corbillard qui a quitté l’hôpital entouré de plusieurs véhicules et qui transporterait le corps l’ancien premier ministre, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Shinzo Abe a été celui est resté le plus longtemps premier ministre au Japon : il a en effet été à ce poste en 2006-2007, puis de nouveau de 2012 à 2020.  

PHOTO KAZUHIRO NOGI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Shinzo Abe est le premier ministre japonais qui est resté le plus longtemps au pouvoir.

Il avait été contraint de démissionner pour des raisons de santé, mais était resté très influent au sein du Parti libéral-démocrate (PLD, droite nationaliste) qu’il avait dirigé.  

M. Abe faisait un discours en fin de matinée près d’une gare à Nara à l’occasion d’un rassemblement de campagne en vue des élections sénatoriales de dimanche, lorsque des coups de feu ont été entendus.

PHOTO KYODO PAR REUTERS

De nombreux véhicules d’urgence se sont rendus sur les lieux de l’attaque.

Leur auteur présumé a été aussitôt désarmé et arrêté.

Pendant son discours

Le suspect a raconté aux policiers qu’il avait travaillé pour la Force d’autodéfense maritime — la marine japonaise — pendant trois ans à partir de 2002.

Tetsuya Yamagami leur également confié qu’il avait appris via internet la visite de Shinzo Abe.

Sur des images de la chaîne de télévision NHK montrant le moment de l’attaque, on voit l’ex-chef du gouvernement debout sur un podium, puis une forte détonation retentit et de la fumée se dégage. Les spectateurs surpris se baissent et plusieurs personnes en plaquent une autre à terre.

M. Abe « prononçait un discours et un homme est arrivé par-derrière », a témoigné sur NHK une jeune femme.

« Le premier tir a fait le bruit d’un jouet. [Shinzo Abe] n’est pas tombé et il y a eu une grosse détonation. Le deuxième tir était plus visible, on pouvait voir une étincelle et de la fumée », a-t-elle ajouté. Après le deuxième tir, des gens ont entouré la victime tombée sur le sol « et lui ont fait un massage cardiaque ».

PHOTO YOMIURI SHIMBUN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Shinzo Abe a été transporté à l’hôpital alors qu’il était en « arrêt cardio-respiratoire ».

Un service de sécurité était présent, mais il était facile pour les spectateurs d’approcher M. Abe.

Des responsables locaux du PLD ont précisé n’avoir reçu aucune menace avant l’attaque.

« Un grand visionnaire »

Le chef du gouvernement japonais Fumio Kishida a qualifié d’« acte barbare » et « absolument impardonnable » l’assassinat de son ancien mentor politique dont il a été ministre des Affaires étrangères de 2012 à 2017.

Les préparatifs électoraux se poursuivront, a-t-il toutefois affirmé. « Nous devons absolument défendre les élections libres et équitables, qui sont le fondement de la démocratie [et] nous ne céderons jamais à la violence ».

« Je le respectais vraiment et j’avais confiance en lui en tant qu’homme politique », a lâché Sachie Nagafuji, 54 ans, une habitante de Nara qui est allée avec son fils rendre hommage au défunt sur le lieu du drame.

Les réactions ont en outre afflué du monde entier après l’attaque.

C’est une « tragédie pour le Japon », a réagi le président américain Joe Biden, tandis que le Brésil a décrété un deuil national de trois jours.

Pour le chef de l’État français Emmanuel Macron, « le Japon perd un grand premier ministre », pour le chef du gouvernement canadien Justin Trudeau « un grand visionnaire ».

Législation stricte

À Moscou, le président Vladimir Poutine a déploré une « perte irréparable ».  

À Bruxelles, les chefs de l’Union européenne ont dénoncé « le meurtre brutal » d’un « grand démocrate ».

Les principaux dirigeants en Asie étaient aussi sous le choc.

Le Japon n’a rien connu de tel « depuis plus de 50 à 60 ans », a relevé auprès de l’AFP Corey Wallace, de l’université de Kanagawa.

Selon lui, le précédent incident similaire survenu au Japon a été l’assassinat en 1960 d’Inejiro Asanuma, le dirigeant du Parti socialiste japonais, poignardé par un étudiant proche de l’extrême droite.

« Mais deux jours avant un scrutin [et un homme] si important […], c’est profondément triste et choquant », a-t-il ajouté.

Le Japon a une des législations les plus strictes au monde en matière de contrôle des armes à feu et le nombre annuel des personnes tuées par de telles armes dans ce pays de 125 millions d’habitants est extrêmement faible.

L’obtention d’un permis de port d’armes est un processus long et compliqué : il faut d’abord obtenir une recommandation d’une association de tir, puis se soumettre à de stricts contrôles de police.