La ville de Sydney, en Australie, connaît depuis quatre jours de très fortes inondations conduisant des milliers de résidants à évacuer leur foyer. Un phénomène récurrent ces dernières années, qui soulève des questions sur l’adaptation des pouvoirs publics à l’une des conséquences concrètes du changement climatique.

Quelle est l’ampleur des dégâts ?

Après quatre jours de pluies torrentielles, la ville la plus peuplée du pays est aux prises avec l’une des pires inondations de son histoire moderne. Le long des rivières Hawkesbury et Nepean, l’eau est montée jusqu’à plus de 16 m de hauteur dimanche matin. Les inondations ont aussi causé le déversement du barrage de Warragamba, qui fournit la majorité de la ville en eau potable. « Certains endroits ont reçu plus de 600 millimètres de pluie, soit environ la moitié des précipitations annuelles en deux jours », explique Kimberley Reid, spécialiste de l’atmosphère à l’Université Monash, à Melbourne, en entrevue à La Presse.

Mercredi matin (mardi à Montréal), à Sydney, le service d’urgence de l’État de Nouvelle-Galles du Sud rapportait avoir reçu 6410 demandes d’assistance depuis le début du phénomène météorologique la semaine dernière, dont 304 sauvetages liés à des inondations. La veille, les autorités avaient appelé quelque 50 000 personnes à évacuer et 28 000 à se préparer à faire de même.

Le gouvernement fédéral a déclaré l’état de catastrophe naturelle dans 23 régions inondées de Nouvelle-Galles du Sud, débloquant ainsi des aides pour les sinistrés.

Comment expliquer la multiplication des inondations de ce genre ?

Cet évènement est loin d’être le premier à Sydney, régulièrement touché par des inondations ces dernières années. En mars, l’une d’entre elles avait fait 20 morts et causé l’évacuation de 60 000 personnes. « Les inondations des 18 derniers mois ont battu des records. Cette année est la plus humide », explique Kimberley Reid.

Dans un article publié sur le site The Conversation Australia, Dale Dominey-Howes, professeur des risques et des risques de catastrophe à l’Université de Sydney, donne trois principales explications à l’augmentation de ces phénomènes. D’abord, la géographie : les rivières Hawkesbury et Nepean traversent un « point de pincement » très étroit qui ralentit le débit et augmente le risque d’inondations. De plus, avec la croissance démographique et la crise de l’accessibilité au logement, de nombreuses maisons ont été construites en zone inondable. Enfin, l’expert souligne le manque de préparation du gouvernement de Nouvelle-Galles-du-Sud, qui aurait dû, selon lui, mieux prévoir le risque de crue.

Lisez l’article publié sur le site The Conversation Australia (en anglais)

Un constat partagé par Kimberley Reid, qui insiste sur la responsabilité des pouvoirs publics dans cette crise : « Le gouvernement a approuvé la construction de bâtiments dans les plaines inondables en étant parfaitement conscient que les inondations étaient fréquentes dans ces endroits. »

Quels liens peut-on établir entre ces inondations et le changement climatique ?

Les inondations sont l’une des conséquences visibles du changement climatique en Australie. Pour Florent Barbecot, professeur au département des sciences et de l’atmosphère à l’UQAM et spécialiste des questions de gestion de l’eau, l’effet du réchauffement climatique sur les précipitations se joue sur deux plans. « Au niveau global, plus on augmente la température, plus l’atmosphère est capable de stocker de la vapeur d’eau. Cette vapeur d’eau va potentiellement tomber sous forme de pluie », explique le chercheur.

Mais le réchauffement climatique s’exerce également à l’échelle locale. « Dès que l’on commence à urbaniser un milieu, les précipitations sont moins fréquentes, mais plus intenses. Cela renforce le phénomène global, et finalement on crée des environnements de plus en plus hostiles », avance M. Barbecot.

Comment faire face à cette situation ?

À Sydney, Kimberley Reid voit l’aménagement du territoire comme une priorité dans la lutte contre les inondations. « Nous devons vraiment réfléchir à quel type de lotissements nous construisons, afin d’inclure beaucoup plus d’espaces verts. Ainsi, le sol et les plantes absorberont l’eau lorsqu’il pleut. »

Florent Barbecot insiste également sur la nécessité d’anticiper ces problèmes. « À Sydney, les pouvoirs publics ont été surpris parce que le barrage s’est rempli beaucoup plus vite que prévu. S’il y avait eu un aménagement au préalable, le remplissage aurait pu être retardé », explique-t-il.

Le chercheur est convaincu que des solutions existent pour éviter les catastrophes naturelles de ce type. « Aujourd’hui, on est capables de dire le type d’aménagements qui peuvent limiter les impacts du réchauffement climatique à l’échelle locale. On doit se préparer au pire. C’est clair que ça va coûter très cher à notre société, parce que la population augmente et qu’on sait que l’urbanisation va s’étendre. Les villes vont donc jouer un rôle important dans l’occurrence des épisodes d’inondation », conclut le chercheur.

En savoir plus
  • 733 mm
    Quantité de précipitations mesurée à Sydney entre vendredi et lundi. À titre de comparaison, la ville de Londres reçoit en moyenne 615 mm de pluie en une année.
    Source : BBC news
    6410
    Nombre de demandes d’assistance reçues par le service d’urgence de l’État de Nouvelle-Galles du Sud au 6 juillet
    SOURCE : NSW ses