Le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Birmanie (Myanmar) sonne l’alarme relativement à la situation des enfants du pays, qui sont régulièrement pris pour cibles par la junte militaire au pouvoir et torturés en détention sans égard à leur âge.

Certains d’entre eux ont eu les ongles et les dents arrachés, dénonce Tom Andrews, qui voit dans ces « crimes de guerre » l’illustration des mesures « insensées » auxquelles les généraux sont prêts à recourir pour mater l’insurrection suscitée par leur coup d’État de février 2021.

PHOTO ARIF KARTONO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Birmanie

Il est absolument critique, qu’en plus de porter attention à la situation de ces enfants vulnérables, on agisse pour les protéger.

Tom Andrews, lors d’une intervention mercredi devant la Commission des droits de l’homme, à Genève

Dans un rapport qui détaille la situation, le représentant de l’ONU relate que nombre d’enfants étaient présents initialement dans les manifestations de rue pacifiques lancées en réaction au coup de force des militaires.

Lorsque la répression a commencé, beaucoup se sont retrouvés dans la ligne de mire des soldats et ils sont demeurés des cibles après que nombre d’opposants à la junte eurent pris les armes et formé des groupes de défense locaux déterminés à se battre pour contrer le renversement du gouvernement d’Aung San Suu Kyi, aujourd’hui en prison.

Les enfants ciblés

Des soldats ont notamment été filmés en mars alors qu’ils ouvraient le feu sur des bosquets où s’était cachée une famille de cinq enfants dans l’État de Môn, au centre du pays.

« Même si ce sont des enfants, il ne faut pas les sous-estimer », a crié l’un des militaires pour encourager les autres à tirer. Un garçon de 9 ans a été tué sur place et son frère de 6 ans est mort par la suite à l’hôpital.

Des exécutions extrajudiciaires d’enfants sont aussi rapportées. Selon l’Assistance Association for Political Prisoners (AAPP), une organisation sans but lucratif basée en Thaïlande qui documente la répression en cours, au moins 17 mineurs sont morts peu de temps après avoir été appréhendés par des soldats.

Les corps de quatre garçons ont notamment été retrouvés dans une fosse de toilette en janvier 2022 dans l’État de Kayah, quelques jours après qu’ils avaient été appréhendés avec un groupe d’adultes.

Au total, plus de 382 enfants ont été tués ou blessés par les tirs de groupes armés depuis le début de la guerre civile, relève le rapporteur onusien, qui impute plus de 60 % de ces morts aux tirs ciblés de militaires ou des attaques menées sans considération pour les civils présents. La plupart des autres victimes ont été touchées par des mines, qui pullulent dans le pays, ou prises entre deux feux lors de combats.

Près de 1500 enfants ont par ailleurs été détenus depuis l’éclatement du conflit et des centaines demeurent aujourd’hui derrière les barreaux.

Même sort que les adultes

Selon l’AAPP, 39 jeunes de moins de 10 ans sont considérés comme des « prisonniers politiques » même si la loi birmane ne reconnaît pas de responsabilité criminelle en deçà de cet âge.

Tous ceux qui sont soupçonnés d’appartenir à des groupes de défense locaux sont « systématiquement torturés », selon l’ONU, qui a documenté 142 cas de cette nature.

Les tortionnaires utilisent à leur encontre les mêmes techniques que pour les adultes.

En plus d’arracher des dents et des ongles, des militaires auraient soumis des enfants à des simulacres d’exécution, tenté de les faire parler en les brûlant avec des cigarettes ou encore en les frappant.

Un adolescent de 17 ans a relaté que ses geôliers lui avaient placé un sac sur la tête et l’avaient frappé à plusieurs reprises avec la crosse de leurs armes avant de lui marcher sur le visage. Ils l’auraient par la suite battu « à répétition » en cherchant à lui faire dire qu’il avait pris des policiers pour cibles.

La dénonciation du sort des enfants birmans survient alors que le conflit continue de plus belle dans le pays.

Plus d’un million de personnes, dont 300 000 enfants, ont été déplacées par les combats, selon M. Andrews, qui s’alarme du fait qu’à peine 10 % des fonds réclamés par l’ONU pour fournir l’aide humanitaire requise par la population ont pu être recueillis.

La communauté internationale, conclut-il, doit se mobiliser « avec la même urgence que celle manifestée face à la crise en Ukraine » plutôt que de se détourner de la crise.

En savoir plus
  • 382
    Nombre d’enfants tués ou blessés par les tirs de groupes armés depuis le début de la guerre civile.
    Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Birmanie
    300 000
    Nombre d’enfants déplacés par les combats.
    Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Birmanie