Le 1er juillet 1997, la Grande-Bretagne rétrocédait Hong Kong à la Chine. L’ancienne colonie devenait une région semi-autonome, pour 50 ans, autour du principe « un pays, deux systèmes ». 25 ans plus tard, Hong Kong s’enfonce dans le silence et la répression.

Un anniversaire au goût amer

Au cours d’une cérémonie marquant la rétrocession de Hong Kong le mardi 1er juillet 1997, le président de la Chine, Jiang Zemin, a déclaré : « Les Hongkongais continueront de jouir de divers droits et libertés. » Ces paroles apaisantes n’ont pas convaincu tout le monde.

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Le président Jiang Zemin prend la parole, lors de la cérémonie soulignant la rétrocession de Hong Kong à la Chine, le 1er juillet 1997.

Ainsi, à Montréal, le groupe Les amis de Hong Kong émettait certains bémols. « Nous partageons la joie du moment à propos de la réunification de Hong Kong à la Chine, mais nous sommes profondément attristés du fait que 6,3 millions d’humains seront désormais sous une administration qui ne croit pas aux droits humains. »

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Le président Jiang Zemin serre la main du prince Charles, sous les regards des premiers ministres chinois et britannique, Li Peng et Tony Blair, lors de la cérémonie.

Vingt-cinq ans plus tard, on trouve peu de raisons de célébrer l’anniversaire, alors que les libertés individuelles ont été réduites comme peau de chagrin à Hong Kong – notamment depuis l’adoption de la loi sur la sécurité nationale, le 30 juin 2020.

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Des travailleurs démontent le cadran numérique géant qui tenait le compte à rebours du retour de Hong Kong dans le giron chinois, à Pékin, le 8 juillet 1997.

« Ce 25anniversaire sera davantage un moment de regret et vu comme le 2anniversaire de cette loi », estime Jeff Wasserstrom, professeur d’histoire et spécialiste de la Chine à l’Université de Californie à Irvine.

Le Parti communiste chinois a grugé morceau par morceau ce qui différenciait les habitants de Hong Kong de ceux de la Chine.

Jeff Wasserstrom, professeur d’histoire et spécialiste de la Chine à l’Université de Californie à Irvine

« L’espace démocratique existant comme État de droit s’est extrêmement rétréci, et ce, très rapidement », estime France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale à Montréal. « Beaucoup de jeunes, d’expatriés et de compagnies quittent la ville. Les gens ont peur », dit Kyle Matthews, directeur de l’Institut montréalais d’études sur le génocide et les droits de la personne de l’Université Concordia.

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Des soldats de la garnison de Hong Kong de l’Armée populaire de libération, lors d’une cérémonie à Shenzhen, le 30 juin 1997. Ils traverseront la frontière qui sépare la métropole de Hong Kong à minuit, afin de marquer la rétrocession de l’ex-colonie britannique.

Promulguée dans la foulée de nombreuses manifestations prodémocratiques, la loi sur la sécurité nationale interdit tout acte de trahison, sécession, sédition et subversion contre le gouvernement. À Hong Kong, l’administration de la poste, qui émet deux timbres commémoratifs du 25anniversaire, estime que cette loi « remet sur les rails » le principe d’« un pays, deux systèmes ».

Aux racines du virage

En dépit d’inquiétudes, les premières années ayant suivi la rétrocession n’ont pas été trop agitées. Au 10anniversaire (2007), le président Hu Jintao s’est rendu sur place. Des manifestants en ont profité pour réclamer des élections libres.

Où et quand les choses ont-elles commencé à mal tourner ? À chacun son interprétation.

« Après les Jeux olympiques de 2008 [à Pékin] et après avoir assez bien traversé la crise économique de la fin des années 2000, la Chine est devenue plus intolérante », croit Jeff Wasserstrom.

Le fait que Hong Kong ait perdu de son poids économique au fil du temps a permis au gouvernement central de serrer la vis aux habitants, ajoute-t-il. « Sous la présidence de Xi Jinping, on est devenus plus obsédés. »

« Dans les 20 premières années, Hong Kong a été un centre financier et commercial très important, dit Guy Saint-Jacques. Les compagnies [internationales] voulant faire des affaires en Chine s’y installaient, tout comme les compagnies chinoises voulant rayonner sur la planète. »

L’ancien ambassadeur évoque l’« affaire des libraires » comme un des tournants de la détérioration de la situation. Du 14 octobre au 30 décembre 2015, cinq libraires de Hong Kong vendant des titres très critiques du régime de Pékin disparaissent l’un après l’autre. « Cela a ouvert les yeux des Hongkongais, qui ont longtemps cru que rien ne pouvait leur arriver », résume-t-il.

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La chanteuse Denise Ho arrive à la cour de Hong Kong le 24 mai 2022, où elle a fait face à des accusations pour financement de militants.

La dernière décennie a été marquée par plusieurs mouvements de protestations, dont la Révolution des parapluies en 2014 et d’autres, notamment en 2019 à la suite de l’adoption d’un traité d’extradition vers la Chine. De nombreuses arrestations ont été faites, dont celle de la chanteuse cantopop Denise Ho, qui a vécu plusieurs années au Québec.

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Une des manifestations des parapluies, le 20 octobre 2014, à Hong Kong

L’adoption de la loi sur la sécurité nationale en 2020 a suivi.

Le régime ne voulait pas que les indépendantistes gagnent du terrain à Hong Kong et ne voulait pas une contagion sur le continent.

Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur du Canada en Chine

Depuis, la presse, les syndicats, la culture et l’éducation sont censurés, note France-Isabelle Langlois.

« Il y a encore quelques courageuses personnes qui se lèvent, manifestent et protestent », ajoute-t-elle.

Il y aura bel et bien célébration du 25anniversaire de la rétrocession vendredi. La région administrative spéciale de Hong Kong a même ouvert un site internet coiffé du slogan « Une nouvelle ère. Stabilité. Prospérité. Opportunité. ».

Ah ! Et la cheffe de l’exécutif du territoire, Carrie Lam, sera remplacée par John Lee, un proche du gouvernement chinois… qui a été à la tête des répressions policières de 2019. Bonjour, l’ambiance !

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Population de Hong Kong en 2022

Source : World Population Review

2,5/10

Note sur la qualité de l’autonomisation, soit le respect des droits civils et politiques dans le territoire. Hong Kong partage l’avant-dernière place avec l’Arabie saoudite.

Source : Human Rights Measurement Initiative

Réécrire l’histoire

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L’exposition « The Hong Kong Story » au musée d’histoire de Hong Kong, en octobre 2020

À Hong Kong, les futurs manuels scolaires affirment que l’ancienne colonie n’a… jamais été une colonie, selon The Guardian. Et que la Chine n’a jamais reconnu les traités où elle avait cédé ses pouvoirs, durant les guerres de l’opium.

« Je trouve cela choquant. On joue ici avec l’histoire, avec des évènements historiques », soulève Kyle Matthews, directeur de l’Institut montréalais d’études sur le génocide et les droits de la personne de l’Université Concordia.

Selon une dépêche de l’Associated Press publiée le 17 juin, cette prise de position de la Chine n’est pas nouvelle. Mais elle constitue un exemple de la détermination de Pékin d’imposer son interprétation de l’histoire, tout en essayant d’inoculer un sentiment de patriotisme au sein de la population.

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Photo iconique du massacre de la place Tiananmen. Un manifestant inconnu se dresse devant une colonne de chars, le 5 juin 1989.

Ce n’est toutefois pas le seul exemple où la Chine communiste réécrit, réinterprète ou efface carrément des traces de l’histoire.

En décembre dernier, la Chine a déboulonné, démonté et entreposé tous les monuments de Hong Kong rendant hommage aux victimes du massacre de la place Tiananmen, survenu le 4 juin 1989.

D’ailleurs, cet évènement n’est pas enseigné en Chine continentale, indique France-Isabelle Langlois, d’Amnistie internationale à Montréal. « Les jeunes générations n’ont jamais entendu parler de cela et il n’y a pas de manifestation », déplore-t-elle.

On voit dans cet exemple le pouvoir de propagande ou de non-diffusion qu’un État très fort peut posséder. On le voit aussi en ce moment en Russie avec l’Ukraine.

France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale à Montréal

La Chine a cédé Hong Kong à la Grande-Bretagne en 1841, à la suite de la première guerre de l’opium. Un nouvel accord a été négocié en 1898 pour une prolongation de la cession du territoire pour 99 ans. Beaucoup de Chinois, fuyant la guerre civile, y ont trouvé refuge avant l’arrivée de Mao et des forces communistes à la tête du gouvernement chinois en 1949. Ces derniers n’ont jamais reconnu les traités signés par leurs prédécesseurs.

Hong Kong en 12 dates

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Le 30 juin 1997, Chris Patten, 28e et dernier gouverneur de Hong Kong, reçoit l’Union Jack, le drapeau ayant été descendu pour la toute dernière fois à la résidence officielle du gouverneur de la colonie sur le point d’être rétrocédée à la Chine.

1er juillet 1898

La Chine loue ce qu’on appelle les « Nouveaux Territoires », incluant 235 îles, à la Grande-Bretagne pour 99 ans.

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Les troupes japonaises paradent à Hong Kong, en 1941.

25 décembre 1941

Capitulation de la garnison canadienne face aux forces japonaises à Hong Kong. La ville est occupée jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Juin 1951

Pour faire face à l’immigration et aux activités illégales en provenance du continent, le gouverneur de Hong Kong crée un no man’s land dit « Frontier Closed Area » avec la Chine.

19 décembre 1984

Déclaration commune de la Chine et du Royaume-Uni sur la rétrocession du territoire sur le principe « un pays, deux systèmes ».

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La première ministre britannique Margaret Thatcher porte un toast, en compagnie du président chinois Li Xiannian et des ministres des Affaires étrangères britannique et chinois, Goeffrey Howe et Wu Xueqian, à Pékin, le 19 décembre 1984.

4 juin 1989

Massacre de la place Tiananmen. Inquiétudes et manifestations à Hong Kong.

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Des manifestants grimpent sur un blindé de l'armée chinoise, à Pékin, le 4 juin 1989, alors que le mouvement social est réprimé dans le sang.

1er juillet 1997

Hong Kong réintègre la Chine communiste. Selon l’accord de 1984, elle doit conserver pour 50 ans un système économique de type capitaliste et, en partie, un système politique démocratique.

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Le président du Parti démocratique de Hong Kong, Martin Lee (au centre), et son porte-parole, Yeung Sum (micro), célèbrent la rétrocession avec la foule réunie sous le balcon du Conseil législatif de Hong Kong, le 1er juillet 1997. Les deux hommes seront arrêtés lors de manifestations prodémocratie en 2019 (Sum) et en 2020 (Lee).

17 juin 2002

Procès de 16 membres du mouvement Falun Gong qui avaient participé, en mars de la même année, à une protestation devenue violente à l’extérieur d’un bureau du gouvernement chinois à Hong Kong.

Février à juin 2003

L’épidémie de SRAS atteint Hong Kong. Le 23 juin, la ville est retirée des zones affectées.

Octobre à décembre 2014

De violents affrontements prodémocratie ont lieu avec la police, et de nombreuses arrestations ont lieu. Le mouvement prend le nom de Révolution des parapluies, les opposants utilisant ceux-ci pour se protéger des gaz lacrymogènes.

Octobre à décembre 2015

Disparition de cinq libraires de Hong Kong qui vendaient des ouvrages très critiques du régime chinois et interdits sur le continent.

Juin à décembre 2019

Nouvelles manifestations prodémocratie durant plusieurs mois dans la ville. Les répressions et arrestations sont nombreuses.

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Des policiers antiémeute aspergent de gaz poivré les manifetaants réunis pour protester contre la nouvelle loi sur la sécurité nationale de Hong Kong, le 1er juillet 2020.

30 juin 2020

Adoption et signature de la loi sur la sécurité nationale de Hong Kong, qui réprime les mouvements de contestation, qualifiés de « trahison, sécession, sédition et subversion avec des forces étrangères » dans le territoire.

Sources : BBC, CNN et La Presse