La Chine s’indigne qu’un groupe de scientifiques mandaté par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) relève, dans un nouveau rapport, qu’une fuite de laboratoire demeure l’une des hypothèses à envisager pour tenter d’expliquer l’origine de la pandémie de COVID-19.

L’hypothèse en question « est un mensonge éhonté inventé par des forces antichinoises » et « n’a rien à voir avec la science », a assuré vendredi Zhao Lijian, porte-parole du ministère des Affaires étrangères du pays.

Le Global Times, porte-voix du régime, a prévenu en éditorial que l’OMS et les membres du Groupe consultatif scientifique sur les origines des nouveaux agents pathogènes (SAGO) devaient se méfier des tentatives de « manipulation politique » émanant des États-Unis.

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Zhao Lijian, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères

Que des hypothèses, pour l’instant

Dans le rapport préliminaire rendu public jeudi, les chercheurs du SAGO ont indiqué que des « données fondamentales » manquaient à ce stade pour comprendre précisément comment la pandémie a commencé.

Ils notent que des recherches plus approfondies sont requises notamment pour tenter d’identifier, dans l’hypothèse d’une transmission naturelle à l’humain, par quel animal le SARS-CoV-2 a pu être introduit dans le marché de Wuhan, où les premiers cas d’infection ont été officiellement recensés.

Ils recommandent par ailleurs que des recherches supplémentaires soient menées sur l’hypothèse de la fuite en laboratoire. Les soupçons à ce sujet portent plus précisément sur l’Institut de virologie de Wuhan, qui menait des expériences sur des coronavirus prélevés chez des chauves-souris.

Le SAGO note qu’il faudrait notamment pouvoir passer en revue les activités du laboratoire menées sur des coronavirus apparentés au SARS-CoV-2 et les pratiques en matière de biosécurité.

Le groupe consultatif affirme qu’il « demeurera ouvert à toute preuve scientifique qui deviendra disponible à l’avenir afin de pouvoir évaluer toute hypothèse raisonnable » relativement à l’origine de la pandémie.

Les États-Unis veulent trancher

Les conclusions du rapport du SAGO s’écartent de celles d’un premier groupe de scientifiques mandatés par l’OMS en 2021 qui avaient décrit l’hypothèse d’une fuite de laboratoire comme « extrêmement improbable » après un séjour en Chine.

Le travail de ce premier groupe de l’OMS avait été critiqué par les États-Unis, qui ont réclamé une enquête « sans ingérence ni influence indue », visant Pékin à mots couverts.

Le président américain Joe Biden avait par la suite demandé aux services de renseignement de son pays de lui fournir une analyse détaillée de la question des origines de la pandémie qui n’avait pas non plus permis de trancher la question.

Des recherches supplémentaires

Richard Ebright, microbiologiste de l’Université Rutgers qui reprochait à la Chine d’avoir verrouillé la première enquête pour écarter l’hypothèse de la fuite de laboratoire, se réjouit de l’ouverture affichée par le SAGO.

L’idée qu’il n’est pas possible actuellement de conclure si le passage du virus à l’humain s’est fait naturellement ou s’il résulte d’une fuite de laboratoire « attirera les foudres » de tous ceux qui soutenaient que la science démontre que la première explication est la bonne, a-t-il relevé vendredi dans un courriel.

Bien que la Chine se montre rétive à toute recherche additionnelle sur son territoire, le professeur pense que des réponses pourraient être trouvées aux États-Unis, notamment en fouillant dans les archives d’une organisation qui finançait des recherches sur les coronavirus à Wuhan.

La présidente du SAGO, Marietje Venter, a prévenu jeudi que suggérer des recherches supplémentaires sur l’hypothèse de la fuite de laboratoire ne signifie pas que les chercheurs « pensent que c’est l’explication » à retenir.

Les « indices les plus solides » pointent toujours vers l’hypothèse d’une transmission naturelle de l’animal à l’humain, a-t-elle assuré à l’Agence France-Presse.

Maria Van Kerkhove, qui est responsable de la gestion de la pandémie de COVID-19 à l’OMS, a relevé qu’il y avait « encore beaucoup de travail à faire, en Chine et ailleurs », pour expliquer son origine.

Shanghai soumis à un grand dépistage

En marge de ces développements, le régime du président Xi Jinping continue de combattre le virus sur son territoire en maintenant une approche « zéro COVID-19 » qui suscite bien des remous.

L’économie du pays a notamment été durement touchée au cours des derniers mois par de sévères mesures de confinement imposées à la ville de Shanghai, où la majeure partie de la population a été confinée à domicile pendant des semaines.

Jeudi, les autorités locales ont semé la consternation en annonçant une nouvelle vague de tests de dépistage qui survient quelques jours après que les résidants de la mégapole ont célébré le retour à une vie « normale ».

Le président Xi a indiqué, dans les médias d’État, qu’il fallait continuer d’adhérer « sans faillir » à la politique « zéro COVID-19 » pour « consolider les résultats difficilement obtenus » en matière de prévention et de maîtrise de la pandémie.