(Nations unies, Washington) La Chine et la Russie ont mis jeudi leur veto au Conseil de sécurité de l’ONU à une résolution des États-Unis imposant de nouvelles sanctions à la Corée du Nord afin de sanctionner ses tirs de missiles balistiques, affichant avec éclat la division de l’instance au risque d’en faire profiter Pyongyang.

Les 13 autres membres du Conseil ont voté en faveur du texte qui prévoyait notamment une réduction des importations de pétrole brut et raffiné par Pyongyang.

En coulisses, plusieurs alliés de Washington ont déploré l’insistance américaine à organiser un vote en sachant que la Chine et la Russie utiliseraient leur veto. Pour les Américains, ne rien faire était « pire que le scénario de deux pays bloquant la résolution », a expliqué un ambassadeur sous couvert d’anonymat.

Depuis 2017, année au cours de laquelle le Conseil avait adopté à l’unanimité trois séries de sanctions lourdes, « la retenue et le silence du Conseil n’ont pas éliminé ni même réduit la menace », a souligné l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, en justifiant sa démarche. « Au contraire, la Corée du Nord a été enhardie par l’inaction de ce Conseil », a-t-elle estimé.

Son homologue chinois, Zhang Jun, lors d’un échange tendu avec la diplomate américaine, a accusé les États-Unis d’avoir voulu un « échec » et d’avoir « éloigné le Conseil du dialogue et de la conciliation ». « Le nœud du problème », a-t-il dit, « est de savoir s’ils veulent utiliser le dossier de la péninsule coréenne pour leur soi-disant stratégie indopacifique ».

Avant le vote, il avait affirmé à des journalistes le désaccord « total » de Pékin « à toute tentative de faire […] de l’Asie un champ de bataille ou d’y créer des affrontements ou des tensions ».

Zhang Jun a appelé les États-Unis à « travailler à promouvoir une solution politique », en affirmant que de nouvelles sanctions auraient eu des conséquences humanitaires en Corée du Nord, éprouvée depuis peu par de multiples cas de COVID-19.

L’ambassadeur russe à l’ONU, Vassily Nebenzia, a accusé les États-Unis d’ignorer les appels de Pyongyang à mettre fin à leurs « activités hostiles ». « Il semble que nos collègues américains et occidentaux souffrent de l’équivalent du blocage de l’écrivain. Ils semblent n’avoir aucune réponse aux situations de crise autre que l’introduction de nouvelles sanctions », a-t-il déclaré.

Essai nucléaire craint

Le projet de résolution américain prévoyait aussi d’interdire les exportations nord-coréennes de combustibles minéraux, de montres et d’horloges, et toute vente ou transfert à Pyongyang de tabac. Le texte visait en outre à accroître la lutte contre les cyberactivités de Pyongyang.

Après le rejet de ce projet et un affichage clair de la division du Conseil de sécurité de l’ONU sur le dossier nord-coréen, cette instance risque d’avoir du mal à maintenir la pression pour faire appliquer les sanctions décidées en 2017, craignent des diplomates.

À l’époque, de multiples mesures sectorielles et individuelles avaient été prises contre la Corée du Nord dans les domaines du pétrole, du charbon, du fer, de la pêche ou du textile.

Si les Nord-Coréens ont développé leur armement balistique et disposent de plusieurs bombes atomiques, ils ne sont pas encore parvenus, selon des diplomates, à associer les deux technologies afin d’avoir un missile à tête nucléaire.

La Corée du Nord a procédé cette semaine à de nouveaux tirs de missiles, dont probablement son plus gros missile balistique intercontinental, peu après une visite en Asie du président américain Joe Biden.

À l’ONU, le Royaume-Uni, la France et la Corée du Sud ont exprimé leurs craintes de voir la Corée du Nord procéder à un septième essai nucléaire, annoncé comme imminent, qui serait son premier en cinq ans.

En regrettant « profondément » un vote « qui marque la division du Conseil », l’ambassadeur français, Nicolas de Rivière, a jugé que l’utilisation du veto « revenait à protéger le régime nord-coréen et à lui donner un blanc-seing pour proliférer encore davantage ».

En vertu d’une nouvelle procédure adoptée récemment à l’initiative du Liechtenstein, la Chine et la Russie devraient prochainement devoir expliquer devant l’Assemblée générale des Nations unies pourquoi ils ont utilisé jeudi leur droit de veto.