(Manille) Ferdinand Marcos, fils du défunt dictateur des Philippines, a été proclamé mercredi 17e président de l’archipel du sud-est asiatique, après avoir remporté haut la main l’élection du 9 mai, au grand dam de groupes de défense des droits de l’homme.

Ferdinand Bongbong Romualdez Marcos Junior, qui prendra ses fonctions le mois prochain, l’a emporté avec 31,6 millions de voix (58,8 %), contre 15 millions pour sa principale rivale, la vice-présidente sortante Leni Robredo, selon un décompte final publié par le parlement, qui a ratifié les résultats.

Fils de l’ancien dictateur du même nom, Marcos Jr est le premier candidat à la présidentielle à remporter la majorité absolue depuis que son père a été renversé en 1986, contraignant sa famille à l’exil aux États-Unis.

Sa victoire a consacré le retour au pouvoir du clan Marcos, 36 ans après la révolte populaire qui l’en avait chassé.

S’exprimant après la cérémonie au parlement, Marcos Jr, vêtu d’une chemise traditionnelle, a affiché son « humilité » face à son succès dans les urnes, promettant de « toujours s’efforcer à la perfection ».

« Je veux bien faire parce que quand un président fait bien, le pays fait bien et je veux bien faire pour ce pays », a déclaré l’homme de 64 ans aux journalistes.  

« Seconde chance »

Sa victoire avait été précédée d’une intense campagne en ligne pour redorer le passé familial ainsi qu’à des alliances avec des dynasties politiques rivales, assez puissantes pour influencer les électeurs de leurs régions.

Le président désigné a adopté les principales politiques de son prédécesseur, Rodrigo Duterte, dont la fille Sara Duterte, sa colistière, a été proclamée nouvelle vice-présidente.

Au parlement, étaient notamment présentes son épouse Louise Araneta-Marcos ainsi que sa mère arrivée en chaise roulante, l’ancienne première dame Imelda Marcos, 92 ans, artisane du retour d’exil de la famille.

« Nous sommes très, très reconnaissants de cette seconde chance », a déclaré à la presse sa sœur, la sénatrice élue Imee Marcos.

« Ma famille a traversé des moments difficiles après 1986 », a-t-elle ajouté.

« Violence d’État »

Quelques heures plus tôt et à plusieurs kilomètres de là, des affrontements avaient éclaté entre des centaines de policiers antiémeute et des manifestants d’opposition, devant le siège de la Commission des droits de l’homme. Les forces de l’ordre ont fait usage de canons à eau. Des groupes de gauche ont fait état d’au moins 10 blessés.

« La dispersion violente aujourd’hui est-elle un prélude aux choses à venir sous une administration Marcos-Duterte – où l’exercice de nos droits et libertés fondamentaux se heurte à une violence d’État éhontée ? », a interrogé dans un communiqué Cristina Palabay, secrétaire générale du groupe de défense des droits de l’homme Karapatan.

Après le régime aux accents autoritaires du président Duterte(2016-2022), des militants et de nombreux chefs religieux auraient souhaité voir Leni Robredo portée à la présidence, redoutant que l’élection de Ferdinand Marcos ne conduise à une nouvelle érosion des droits de l’homme.

Marcos a jusqu’à présent donné peu d’indices sur la façon dont il gouvernera ce pays pauvre de 110 millions d’habitants alors qu’il sera confronté à une série de défis allant de la relance de l’économie frappée par la pandémie et de la création d’emplois, à la gestion de Pékin de plus en plus affirmée en mer de Chine méridionale et aux conséquences du changement climatique.

Mais il n’a pas caché son admiration pour son père et sa façon d’administrer le pays, dépeignant l’époque comme une sorte d’âge d’or pour les Philippines, ce qui a fait craindre qu’il ne cherche un régime similaire.  

Il semble sur les rails pour avoir une majorité écrasante à la Chambre des représentants tandis que la plupart des 24 membres du Sénat sont alignés sur ses positions ou celles du président Duterte. Autant de conditions qui lui permettraient des changements constitutionnels que ses prédécesseurs n’ont pas pu mener à bien.