(Colombo) Ranil Wickremesinghe a été investi jeudi dans les fonctions de premier ministre du Sri Lanka, un poste que ce réformiste pro-occidental a déjà occupé à cinq reprises, avec pour tâche de former un gouvernement d’union en pleine crise économique et après des affrontements meurtriers au cours de manifestations cette semaine.

M. Wickremesinghe, 73 ans, a prêté serment, selon le bureau des médias du président Gotabaya Rajapaksa, qui est lui-même confronté à de nombreuses actions de protestation exigeant sa démission en raison de l’aggravation des difficultés économiques.

« Nous voulons faire revenir la nation à une situation dans laquelle notre peuple aura à nouveau trois repas par jour », a peu après déclaré M. Wickremesinghe. « Notre jeunesse doit avoir un avenir », a-t-il ajouté.  

Ce pays de 22 millions d’habitants, en proie à la pire crise économique depuis l’indépendance en 1948, manque de dollars pour financer l’importation de produits de première nécessité (denrées alimentaires, carburant, médicaments). Les pénuries généralisées ainsi que les longues coupures d’électricité ont provoqué des manifestations quotidiennes dans tout le Sri Lanka.

Mercredi soir, dans sa première allocution devant ses compatriotes depuis le début des manifestations, Gotabaya Rajapaksa, 72 ans, s’était engagé à constituer un gouvernement d’union. Il avait alors promis de « nommer un premier ministre qui dirigera une majorité au parlement et inspirera la confiance au peuple ».

Son frère Mahinda Rajapaksa avait démissionné lundi du poste de chef du gouvernement peu après que ses partisans, armés de bâtons et de matraques, avaient attaqué des manifestants pacifiques qui protestaient depuis plusieurs semaines.

Ces agressions ont déclenché des affrontements qui ont fait au moins neuf morts et plus de 225 blessés, selon la police.

Jeudi, Mahinda Rajapaksa a adressé ses « félicitations » à son successeur. « Je vous souhaite tout le meilleur dans votre action en ces temps troublés », a-t-il encore dit.  

Poursuite des négociations

Un couvre-feu, en vigueur sur tout le territoire depuis ce jour-là, a été levé jeudi matin pour permettre à la population de sortir se ravitailler avant d’être réimposé six heures plus tard.

Le même jour, un tribunal a interdit à l’ex-premier ministre, à son fils Namal et à 15 de ses alliés de partir à l’étranger en raison des actes de violence commis contre les manifestants antigouvernementaux.  

C’est la sixième fois depuis 1993 que Ranil Wickremesinghe, 73 ans, prend les fonctions de premier ministre.  

Il est le seul député du Parti national uni (UNP) depuis sa déroute aux élections législatives d’août 2020, quand la formation du président Rajapaksa avait remporté la majorité des deux tiers à l’assemblée.

M. Wickremesinghe devra former un « gouvernement d’union » bénéficiant du soutien de tous les partis siégeant au parlement qui compte 225 députés.

Depuis le flux de défections subies en avril par le camp présidentiel, aucun groupe politique ne jouit de la majorité absolue.

Ranil Wickremesinghe a travaillé en étroite collaboration avec Gotabaya Rajapaksa ces deux derniers mois, à remanier le ministère des Finances et la Banque centrale en vue de réformes fiscales et monétaires radicales, a affirmé cette source.

Selon des responsables, c’est dans ce cadre que le gouverneur de la banque centrale, Nandalal Weerasinghe, à peine nommé, avait annoncé le 12 avril le défaut de paiement sur le remboursement de la dette extérieure de 51 milliards de dollars du Sri Lanka.

C’est encore dans ce cadre qu’il a presque doublé les taux d’intérêt et permis à la dévaluation de la roupie afin d’assurer une meilleure liquidité des devises étrangères dans les banques commerciales.

Mercredi, quelques heures avant l’allocution présidentielle, M. Weerasinghe avait averti que l’économie était en passe d’atteindre un point de non-retour.  

« S’il n’y a pas de gouvernement dans les deux prochains jours, l’économie s’effondrera et personne ne pourra la sauver », avait-il prévenu.  

Le principal parti d’opposition, le SJB, avait été initialement invité à diriger un nouveau gouvernement, mais son chef Saith Premadasa se refuse à se retrouver sous l’autorité du chef de l’État dont il réclame la démission préalable.

« La question centrale de l’économie »

Une douzaine de députés du SJB se sont engagés à soutenir M. Wickremesinghe, considéré comme un réformiste pro-occidental, partisan du libre-échange.

« Nous avons perdu trop de temps au Parlement sans aborder la question centrale de l’économie », a jugé Harin Fernando, un député de l’opposition. Selon lui, le Sri Lanka a « besoin d’au moins 85 millions de dollars par semaine pour financer les importations essentielles ».

Le Sri Lanka est actuellement en pourparlers avec le Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir un éventuel renflouement.