(Manille) Ferdinand Marcos Junior, fils de l’ancien dictateur philippin, a revendiqué mercredi via son porte-parole la victoire à l’élection présidentielle, s’engageant à être le dirigeant de « tous les Philippins ».

« Au monde, il dit : “ Jugez-moi sur mes actes, pas sur mes ancêtres ” », a ajouté le porte-parole, Vic Rodriguez, dans un communiqué.

Selon des résultats préliminaires portant sur la quasi-totalité des bureaux de vote, Marcos Junior, 64 ans, surnommé « Bongbong », a obtenu plus de 56 % des suffrages et plus de deux fois plus de voix que sa principale rivale, la vice-présidente sortante Leni Robredo, 57 ans.

Cette victoire écrasante marque le stupéfiant retour au pouvoir de la famille Marcos, 36 ans après la révolte populaire qui l’en avait chassée.

« Je sais que le dépouillement n’est pas terminé, ce n’est pas encore tout à fait officiel, mais […] je regarde toujours le fait que 31 millions de nos concitoyens ont voté pour l’unité », a déclaré M. Marcos à son quartier général à Manille lors de sa première conférence de presse après le scrutin, qui a duré moins de cinq minutes.  

M. Marcos, accueilli par des partisans en liesse, s’est toutefois gardé de crier victoire dans l’attente des résultats finaux.

Il a promis de « se mettre au travail » dès sa prise de fonction le 30 juin, avec pour priorités de son gouvernement l’économie, les prix, l’emploi et l’éducation. Il a refusé de répondre aux questions des journalistes au terme de la conférence.

Après l’élection, l’un des premiers gestes de M. Marcos a été de se rendre sur la tombe de son père, « source d’inspiration tout au long de sa vie », a annoncé mercredi son équipe de campagne.

Marcos Senior est décédé en exil en 1989 et son corps embaumé a été inhumé en 2016 dans le cimetière des héros nationaux à Manille, avec l’aval du président sortant Rodrigo Duterte.

Des photos publiées sur les comptes officiels des réseaux sociaux de « Bongbong » le montrent debout ou en train de se recueillir devant l’immense tombe.  

Avant son transfert à Manille, la dépouille de l’ex-dictateur était conservée dans une crypte au domicile familial dans la province d’Ilocos Norte, dans le nord des Philippines.

Marcos Jr a qualifié son père de « génie politique » et ses deux décennies au pouvoir d’une ère de paix et de prospérité pour l’archipel.

Les États-Unis ont dit vouloir « continuer à vouloir collaborer étroitement avec les Philippines », à la fois pour « une région indopacifique libre, ouverte », mais aussi pour « promouvoir les droits humains », a prévenu le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, dans un communiqué.

Un peu plus tard, Joe Biden a félicité Marcos Jr au téléphone. « Le président Biden a souligné qu’il était impatient de travailler avec le président désigné pour continuer à renforcer l’alliance entre les États-Unis et les Philippines, tout en élargissant la coopération bilatérale sur un large éventail de questions », a indiqué le communiqué de la Maison-Blanche, énumérant la pandémie, le changement climatique, la croissance économique et le « respect des droits de l’homme ».

L’ambassadeur chinois aux Philippines a également félicité Marcos Jr. « Je n’ai aucun doute que sous la prochaine administration, nos relations bilatérales ne pourront que se renforcer, nos peuples se rapprocher et notre coopération s’approfondir et s’élargir », a déclaré Huang Xilian dans un communiqué.

Désinformation

La campagne électorale de Ferdinand Marcos Jr été marquée par une vaste et souvent abjecte campagne de désinformation, passant sous silence les dizaines de milliers d’opposants arrêtés, torturés ou tués, ou encore les milliards de dollars volés par le clan Marcos dans les caisses du pays pour son enrichissement personnel.

Depuis des années, des comptes pro-Marcos Junior ont envahi les réseaux sociaux, faisant passer auprès des jeunes Philippins les vingt ans de régime de son père (1965-1986) comme une ère dorée.

« Bongbong » est le premier candidat à la présidentielle à remporter la majorité absolue depuis que son père a été renversé en 1986, contraignant sa famille à l’exil aux États-Unis.  

Le récit du retour en grâce de la famille jadis honnie a éclipsé les questions sur ce que serait un gouvernement Marcos.

En esquivant les débats télévisés et les interviews, le candidat a laissé peu d’indices.

Il sera accompagné de Sara Duterte, fille du président sortant, élue très confortablement lundi à la vice-présidence du pays. Les deux plus hauts mandats du pays seront donc occupés par deux enfants d’anciens chefs d’État autoritaires.

Les militants défenseurs des droits de la personne, les prélats catholiques et les analystes politiques craignent que cette large victoire n’autorise M. Marcos Jr à diriger le pays d’une main de fer.

Les partisans de Leni Robredo, qui voyaient dans le scrutin un moment décisif pour la fragile démocratie philippine, ont été dévastés par sa défaite écrasante.

Mme Robredo, 57 ans, a reconnu être « clairement déçue » du résultat, mais a promis de continuer à se battre contre la mauvaise gouvernance.

M. Marcos devra composer avec cette opposition qui pourrait se transformer en puissant mouvement prodémocratie.