(Séoul) La Corée du Nord a tiré des missiles balistiques jeudi après avoir annoncé ses premiers cas de COVID-19 et qualifié la situation de « grave », le dirigeant Kim Jong-un apparaissant à la télévision, pour la première fois, le visage masqué.

M. Kim a ordonné des mesures de « confinement » à l’échelle nationale après que le pays a détecté ses tout premiers cas de COVID-19 depuis le début de la pandémie, selon les médias d’État jeudi.

Quelques heures après cette annonce qui a provoqué un choc, le pays ayant jusqu’à présent affirmé n’avoir enregistré aucun cas, l’armée de Corée du Sud a déclaré que trois missiles balistiques de courte portée ont été tirés depuis les environs de Pyongyang.

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Ces nouveaux essais font partie d’une « provocation permanente de tir de missiles balistiques, malgré l’irruption du coronavirus », a estimé l’administration du président Yoon Suk-yeol.

Ce lancement, qui serait le seizième depuis janvier, intervient peu après que Washington a mis en garde contre le risque d’un essai nucléaire imminent de la part de Pyongyang.

Quelques heures plus tôt, la Corée du Nord a déclaré être en état d’alerte maximum après que des patients présentant de la fièvre ont été testés positifs au variant Omicron BA.2.

M. Kim, qui est apparu pour la première fois à la télévision avec un masque, a présidé une réunion d’urgence du Politburo sur la situation épidémique et « appelé toutes les villes et tous les comtés du pays à confiner minutieusement leurs territoires ».  

Il a indiqué que la réunion avait pour objectif de « guérir au plus vite les personnes contaminées et d’éradiquer la source de propagation du virus », selon l’agence de presse KCNA, qui n’a pas précisé le nombre d’infections enregistrées.  

Selon les experts, en raison d’infrastructures sanitaires notoirement défaillantes et de l’absence de vaccins, le pays n’est pas équipé pour faire face à une épidémie de coronavirus.  

La Corée du Nord n’a d’ailleurs vacciné aucun de ses 25 millions d’habitants, ayant rejeté les offres de vaccination de l’OMS, de la Chine et de la Russie.

Accepter les vaccins par le biais du programme Covax de l’OMS requiert la « transparence sur la façon dont les vaccins sont distribués », a déclaré à l’AFP Go Myong-hyun, chercheur à l’Asan Institute for Policy Studies, « c’est pourquoi la Corée du Nord l’a rejeté ».

En procédant à un tir de missile juste après avoir fait état de ses premiers cas de COVID-19, Pyongyang veut montrer que « la lutte contre le coronavirus et son objectif en matière de défense nationale sont deux choses distinctes », a déclaré Yang Moo-jin, professeur à l’Université des études nord-coréennes.

Pas de vaccins

« ll est désormais raisonnable de penser qu’elle pourrait également procéder à un essai nucléaire avec le feu vert de Kim Jong-un à tout moment », a-t-il ajouté.

« Pour que Pyongyang admette publiquement des cas d’Omicron, la situation sanitaire doit être grave », a estimé Leif-Eric Easley, professeur à l’université Ewha de Séoul.

Le site spécialisé NK News, basé à Séoul, citant des sources à Pyongyang, a rapporté que des quartiers de la capitale nord-coréenne avaient été confinés pendant deux jours, faisant aussi état d’achats panique.  

La Corée du Nord s’est longtemps vantée de sa capacité à tenir le virus à distance, et n’avait pas signalé à l’Organisation mondiale de la santé le moindre cas confirmé de COVID-19.

Lors d’une parade militaire en 2020, M. Kim avait remercié les citoyens et les militaires pour leur loyauté et pour être restés en bonne santé face à la pandémie mondiale. Les médias d’État avaient déjà évoqué des mesures de « prévention des épidémies », et des civils ont parfois été vus portant des masques sur des photographies officielles.  

Mais lors de l’énorme défilé militaire à Pyongyang fin avril diffusé par les médias d’État, aucun des milliers de personnes présentes ne portait de masque.  

Détourner la peur ?

La Corée du Nord est entourée de pays qui ont lutté ou luttent encore pour éradiquer d’importants foyers d’Omicron.

La Corée du Sud, où les taux de vaccination sont élevés, a récemment assoupli la quasi-totalité des restrictions sanitaires, les cas ayant fortement diminué après une flambée en mars.  

La Chine voisine, seule grande économie du monde à maintenir une politique zéro COVID-19, est aux prises avec de multiples foyers d’Omicron, et a confiné plusieurs grandes villes dont la capitale financière Shanghai.

Selon les analystes, la crise sanitaire en Corée du Nord pourrait perturber les essais d’armement du pays.

Pyongyang a déjà effectué plus d’une douzaine de tests d’armement cette année, dont un missile balistique intercontinental à longue portée, pour la première fois depuis 2017.

Des images satellites indiquent que la Corée du Nord se prépare à effectuer un essai nucléaire, qui pourrait avoir lieu dès ce mois-ci, selon Washington.

« Il est possible que l’essai nucléaire soit retardé afin de se concentrer sur la maîtrise du coronavirus », a déclaré à l’AFP Yang Moo-jin, professeur à l’Université des études nord-coréennes de Séoul.

Mais il a ajouté que si les craintes de la population concernant une épidémie se répandaient, Kim Jong-un pourrait procéder à un essai « pour détourner cette peur ».