(Rambukkana) Le centre du Sri Lanka était sous couvre-feu mercredi, au lendemain de la mort d’un homme dans de nouvelles manifestations antigouvernementales, qui a suscité des appels à la retenue de la communauté internationale.

Le pays de 22 millions d’habitants, en proie une grave crise économique, est frappé par des pénuries de produits essentiels (denrées alimentaires, carburant, médicaments), manquant cruellement de dollars pour financer leur importation.

Alors que le gouvernement est en quête d’un renflouement du Fonds monétaire international, la population manifeste chaque jour sa colère dans toute l’île depuis plusieurs semaines et appelle le président Gotabaya Rajapaksa à démissionner.

Mardi, des manifestations contre les pénuries de carburant et la hausse des prix ont dégénéré dans le centre, à Rambukkana (à 95 kilomètres de Colombo), où un couvre-feu a été décrété.  La plupart des commerces y sont restés fermés mercredi.

Des habitants de Rambukkana ont affirmé à l’AFP que la situation était calme jusqu’à ce que la police tire des gaz lacrymogènes pour permettre le passage de camions-citernes livrant du carburant. La foule a alors « riposté en lançant des pierres » et « la police a commencé à tirer », a raconté Cyril, propriétaire d’un hôtel proche du site des heurts.

Un père de deux enfants, âgé de 42 ans, a été tué et près de 30 personnes, dont 11 policiers, ont été blessées, selon les autorités.

La police affirme avoir ouvert le feu parce que la foule s’apprêtait à incendier un camion-citerne de diesel.  

« Ces gens ne sont pas suicidaires pour incendier un camion-citerne et se faire tuer dans le processus », a rétorqué Rohini Kumari Wijerathna, politicien de l’opposition.

Enquêteurs sur place

Des douilles, des pierres, du verre brisé et des pancartes, où se lisait « Gota va-t-en »,  jonchaient encore les lieux inspectés par des enquêteurs mercredi.

« Nous voulons juste dire au gouvernement de s’en aller », a expliqué Prev Swarnajoothi, un moine bouddhiste, qu’il « nous fiche la paix et cesse la violence ».

Le président Rajapaksa s’est dit « profondément attristé » par les évènements, promettant que le droit à manifester pacifiquement serait respecté.  

Les autorités du Sri Lanka « mèneront une enquête impartiale et transparente », a-t-il affirmé sur Twitter.

Les principales missions étrangères basées à Colombo, notamment celles des États-Unis et de Grande-Bretagne, ont fait part de leur inquiétude et appelé à la retenue de toutes les parties.

« Une enquête complète et transparente est essentielle et le droit de la population à manifester pacifiquement doit être respecté », a déclaré l’ambassadrice américaine Julie Chung.

« Je condamne la violence sous toutes ses formes et appelle à la retenue », a souligné de son côté la haute-commissaire britannique Sarah Hulto.

À Colombo, une foule poursuivait le siège du Bureau présidentiel depuis le 9 avril, exigeant le départ du président Rajapaksa.

FMI « très préoccupé »

Le Sri Lanka, qui a annoncé le 12 avril faire défaut sur sa dette extérieure de 51 milliards de dollars, a entamé cette semaine des discussions avec le FMI à Washington en vue d’obtenir une aide de trois à quatre milliards de dollars.

L’institution internationale a annoncé mercredi avoir demandé au pays de « restructurer » sa dette extérieure avant qu’un programme de renflouement puisse être finalisé.

Les pourparlers ne sont encore qu’à un « stade précoce », a aussi indiqué le directeur de la mission du Fonds pour le Sri Lanka, Masahiro Nozaki, tout en soulignant que le FMI était « très préoccupé » par la situation économique et les difficultés subies par la population, en particulier les plus pauvres et les plus vulnérables.

« Les gens souffrent à cause de la crise économique et je le regrette profondément », avait déclaré lundi le président Rajapaksa, admettant que le Sri Lanka aurait dû s’adresser au FMI « beaucoup plus tôt ».

Cette crise,  d’une ampleur sans précédent depuis l’indépendance en 1948, est imputée à la pandémie de COVID-19 qui a privé cette île d’Asie du Sud des devises du secteur touristique, et a été aggravée par une série de mauvaises décisions politiques, selon les économistes.