(New Delhi) Hantées par l’épouvantable vague de COVID-19 du printemps dernier, les autorités de plusieurs mégapoles de l’Inde se tiennent prêtes à affronter une autre déferlante, liée au variant Omicron hautement contagieux, avec de nouvelles mesures restrictives pour tenter d’empêcher que sa propagation ne devienne incontrôlable.

Au plus fort de la pandémie, en mai dernier, l’Inde enregistrait plus de 400 000 nouvelles contaminations et quelque 4000 décès par jour. Personne dans le pays ne peut oublier les scènes traumatisantes vécues dans les hôpitaux débordés de malades à l’agonie, en manque d’oxygène, les crématoriums et les cimetières peinant à répondre à l’afflux de dépouilles.

Mais le variant Omicron fait craindre que l’histoire ne se répète au regard de la propagation exponentielle du virus de ces derniers jours. Le nombre quotidien de nouvelles contaminations a plus que triplé en trois jours grimpant à plus de 110 000 cas.

« Ces chiffres sont en effet préoccupants », a déclaré à l’AFP Gautam Menon, professeur à l’Université Ashoka en Inde, qui a travaillé sur la modélisation de la propagation du virus. La situation, a t-il ajouté « pourrait potentiellement mettre sous pression les systèmes de santé à des niveaux comparables ou pires » que ceux du printemps dernier.

Couvre-feu

Une telle perspective a poussé l’État de Delhi à imposer cette semaine un couvre-feu nocturne et des restrictions de mouvement pour le week-end à compter de vendredi soir, dont seuls les personnels dans les activités essentielles sont exemptés.

De même, la cité de la technologie indienne, Bangalore, a instauré un couvre-feu ce week-end. Quant à Bombay, la capitale économique du pays a décidé d’un couvre-feu nocturne.

Médecins et infirmières interrogés par l’AFP restent toutefois optimistes, observant moins de cas graves parmi les malades admis à l’hôpital, lesquels bénéficient à présent de leur expérience de la COVID-19.

« L’année dernière, nous ne savions pas exactement à quoi nous avions affaire. Je pense que maintenant, mentalement, c’est un peu mieux », a déclaré une infirmière dans un hôpital de Delhi, ayant requis l’anonymat, n’étant pas autorisée à s’exprimer publiquement.

Selon Suresh Kumar, directeur de l’hôpital Lok Nayak Jai Prakash à New Delhi, le nombre de malades traités dans son établissement a quadruplé, passant d’une poignée en début de semaine à une vingtaine en deux jours. Cette augmentation n’a « pas de quoi causer la panique » pour l’instant, a-t-il assuré.

L’administration du premier ministre Narendra Modi n’a pas indiqué pour l’heure envisager un confinement national strict comme cela avait été le cas l’an dernier.

Impact économique

Les responsables locaux observent avec inquiétude l’augmentation exponentielle du nombre de cas. Le grand confinement de l’an passé a porté un rude coup à l’économie indienne et la population redoute l’impact financier de nouvelles restrictions.

« Je ne travaillerai que 15 jours ce mois-ci », a confié Tumul Srivastava, résident de Delhi, où le taux d’occupation des bureaux a été fixé à 50 % sur ordre des autorités, « mon salaire risque d’être amputé. Tout cela ne fait qu’ajouter à mon anxiété ».

L’Inde a commencé à vacciner les adolescents lundi et la campagne de rappel pour les personnes âgées de plus de 60 ans débutera la semaine prochaine.

Les personnels de santé ont administré près de 1,5 milliard de doses de vaccin, presque deux tiers des 1,3 milliard d’habitants ont déjà reçu deux doses, selon les données gouvernementales.

Cette campagne de vaccination pourrait contribuer à atténuer l’impact de ce nouvel assaut viral.

« Bien que nous n’ayons pas encore de données, cela pourrait conférer une forte immunité hybride contre des formes graves » de la maladie, a déclaré à l’AFP Bhramar Mukherjee, épidémiologiste à l’Université du Michigan.

Des études préliminaires ont jusqu’à présent suggéré que le variant Omicron entraînait des symptômes moins graves, malgré sa propagation rapide.

Toutefois, selon Mme Mukherjee, la propagation incontrôlée du coronavirus pourrait avoir des répercussions graves en Inde.

« Comme on le voit aux États-Unis et au Royaume-Uni, le fait qu’une grande partie de la population active soit malade affecte l’infrastructure sociétale et sème le chaos », a-t-elle observé.

« Je crains que n’arrive un moment en Inde où il se passera la même chose », a-t-elle poursuivi, « il n’en faudrait pas beaucoup pour que le système s’effondre »