(Genève) La Haute-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a averti vendredi que l’escalade des violences en Birmanie depuis le coup d’État militaire du 1er février avait plongé ce pays dans « une catastrophe pour les droits de l'homme ».

« Depuis à peine plus de quatre mois, la Birmanie est passée du statut de démocratie fragile à celui d’une catastrophe pour les droits de l'homme », déclaré Michelle Bachelet dans un communiqué. « Les dirigeants militaires sont chacun responsables de cette crise et doivent être tenus de rendre des comptes ».

Elle a évoqué des informations sur un renforcement militaire dans plusieurs régions du pays et lancé un appel à l’arrêt des violences pour empêcher de nouvelles pertes de vies et une aggravation de l’urgence humanitaire.

La situation est chaotique en Birmanie depuis que l’armée a démis la dirigeante civile Aung San Suu Kyi le 1er février, mettant fin à une parenthèse démocratique de 10 ans.

Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a souligné que, selon des informations crédibles, la brutale répression par les forces de sécurité du mouvement de contestation du putsch a tué au moins 860 civils.

Outre des manifestations quasi quotidiennes, l’économie est paralysée par des grèves massives et le pays connaît une recrudescence des affrontements entre armée et factions ethniques rebelles. Et, dans certains quartiers particulièrement frappés par la répression, des habitants ont formé leurs propres « forces de défense ».

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Des contestataires armés de carabines qu'ils ont fabriquées ont participé à une manifestation à Rangoun, le 3 avril.

Mme Bachelet a évoqué notamment les États Kayah, Chin et Kachin qui connaissent « des violences particulièrement intenses dans des zones avec des minorités ethniques et religieuses significatives ».

Boucliers humains

« Les forces de sécurité de l’État continuent d’utiliser des armes lourdes, avec des frappes aériennes, contre des groupes armés et des civils ainsi que des objectifs civils, y compris des églises », a-t-elle dit. « Il semble n’y avoir aucun effort de désescalade mais plutôt un renforcement des troupes dans des zones-clés ».

Elle a fait état d’« informations crédibles » sur l’utilisation de civils comme boucliers humains par les forces de sécurité, ainsi que le bombardement d’habitations et d’églises ou des attaques contre des travailleurs humanitaires.

« Plus de 108 000 personnes ont fui leur foyer dans l’État Kayah rien que ces trois dernières semaines », a-t-elle poursuivi, soulignant que beaucoup s’étaient réfugiées dans la forêt « avec peu ou pas de nourriture, d’eau, d’équipements sanitaires ou de soins médicaux ».

« Ce sont des gens qui ont un besoin urgent d’aide humanitaire », selon elle.

L’armée birmane, également connue sous le nom de Tatmadaw, « a le devoir de protéger les civils », a-t-elle insisté.

La communauté internationale doit urgemment « s’unir pour demander que Tatmadaw cesse l’utilisation scandaleuse de l’artillerie lourde contre des civils et des objectifs civils ».

Elle a également appelé les forces de défense populaires et autres groupes armés à « prendre toutes les mesures possibles pour protéger les civils ».

Mme Bachelet s’est également insurgée contre les arrestations de militants prodémocratie, journalistes et opposants, citant des sources crédibles selon lesquelles 4804 personnes sont toujours arbitrairement détenues.

Elle s’est inquiétée d’informations faisant état de prisonniers torturés et de punitions collectives sur les familles de militants.

« Plutôt que chercher le dialogue, l’armée qualifie ses opposants de “ terroristes ” et lance des poursuites motivées politiquement contre les dirigeants démocratiques », a-t-elle ajouté.

Aung San Suu Kyi, assignée à résidence depuis le putsch, a été inculpée cette semaine de corruption. La lauréate du prix Nobel de la paix 1991, jugée à partir du 14 juin pour importation illégale de radio-émetteurs, non-respect des restrictions liées au coronavirus et violation d’une loi sur les télécommunications, fait déjà face à de nombreuses poursuites judiciaires.