(La Haye) Des avocats ont présenté jeudi aux procureurs de la Cour pénale internationale un dossier qui, selon eux, démontre que la CPI a la juridiction nécessaire pour enquêter sur des allégations selon lesquelles les autorités chinoises se rendent coupables de crimes graves à l’encontre des Ouïghours, un groupe ethnique essentiellement musulman.

Il s’agit de la plus récente tentative par des avocats spécialistes des droits de la personne d’obtenir du tribunal de La Haye qu’il se penche sur des allégations d’atrocités contre les Ouïghours par la Chine, qui n’est pas membre de la CPI.

Les avocats ont indiqué par voie de communiqué que leur dossier démontre que « les Ouïghours ont été ciblés, arrêtés, disparus de force et déportés du Tadjikistan » vers le Xinjiang, dans l’ouest de la Chine, « par des agents chinois ».

Ils ajoutent que les « responsables chinois sont directement intervenus au Tadjikistan. La CPI a donc juridiction sur ces gestes, qui débutent au Tadjikistan et se poursuivent en Chine ». Ils demandent aux procureurs de la CPI de lancer une enquête « sans tarder ».

Les avocats rappellent que la CPI a précédemment enquêté sur des allégations de déportations de masse et de persécution des Rohingya par les forces birmanes, qui auraient chassé des centaines de milliers de Rohingya vers le Bangladesh voisin. La Birmanie n’est pas membre de la CPI, mais le Bangladesh l’est.

Dans ce dossier, des juges de la CPI avaient tranché en 2019 que le tribunal « peut exercer une juridiction sur des crimes quand une portion du comportement criminel se déroule sur le territoire d’un État membre ».

En juillet dernier, des avocats représentant des militants ouïghours en exil avaient demandé à la CPI d’enquêter sur le rapatriement forcé de milliers de Ouïghours du Cambodge et du Tadjikistan, et sur un génocide présumé au Xinjiang. Les procureurs de la CPI avaient répondu en décembre que rien ne justifiait l’ouverture d’une enquête pour le moment.

Les avocats qui ont présenté le dossier jeudi affirment qu’il s’appuie sur le récit de témoins et sur des enquêtes menées dans des pays membres de la CPI, dont le Tadjikistan.

Selon leurs conclusions, disent les avocats, « il est clair que la CPI a juridiction pour lancer une enquête ».

Au moins un million de personnes — principalement des Ouïghours — ont été confinées à des camps de rééducation dans le Xinjiang au cours des dernières années, affirment des chercheurs. Les autorités chinoises sont accusées d’avoir recours au travail forcé, à la torture et à une régulation des naissances systématique. Les enfants seraient aussi séparés de leurs parents incarcérés.

Pékin nie commettre des crimes. Les dirigeants prétendent que ces camps, qui seraient maintenant fermés, étaient des centres de formation où on enseignait le chinois, différents métiers et le droit pour stimuler le développement économique et combattre le militantisme. Plusieurs attaques terroristes reliées au Xinjiang ont été perpétrées en Chine en 2016.

La semaine dernière, un « tribunal populaire » informel constitué d’avocats, de chercheurs et de gens d’affaires s’est ouvert à Londres pour déterminer si les allégations de crimes chinois contre les Ouïghours constituent un génocide. Des témoins ont raconté que les détenus des camps de Ouïghours sont systématiquement humiliés, torturés et maltraités.

Les organisateurs du tribunal espèrent que l’étalement de ces allégations au grand jour incitera les dirigeants à agir.