(Rangoun) L’Union européenne a sanctionné lundi dix membres de la junte au pouvoir en Birmanie et deux sociétés qui lui assurent un financement pour condamner la répression violente des manifestations en faveur de la démocratie.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et son prédécesseur, Ban Ki-moon, ont par ailleurs pressé l’Asean d’agir en vue d’un règlement de la crise, au cours d’une visioconférence de dirigeants du Conseil de sécurité sur les relations entre les Nations unies et les organisations régionales.

« J’exhorte les dirigeants à décider d’actions immédiates et concertées pendant le sommet » spécial sur la Birmanie des pays de l’Asie du Sud-Est prévu pour samedi en Indonésie et auquel le chef de la junte doit prendre part, a déclaré Ban Ki-moon.

Les généraux putschistes font face à des manifestations constantes pour réclamer le retour à la démocratie et répriment presque quotidiennement dans le sang ce mouvement de contestation. Au moins 737 personnes ont été tuées et plus de 3000 arrêtées, selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP).

La situation chaotique depuis le putsch, qui a renversé le 1er février le gouvernement civil dirigé par la lauréate du prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, doit être discutée à l’occasion du sommet de l’Asean.

Marquant concrètement sa condamnation, l’UE a ajouté à sa liste noire dix nouveaux membres de la junte, que les Européens jugent directement impliqués dans les prises de décision et responsables à ce titre de l’affaiblissement de l’État de droit en Birmanie.

Les deux sociétés sanctionnées sont la Birmanie Economic Holdings Ltd (MEHL) et la Birmanie Economic Corporation (MEC).

Le principe de ces nouvelles sanctions avait été décidé le 22 mars, lorsque les Européens avaient sanctionné onze personnes, dont le général à la tête des putschistes, Min Aung Hlaing.

La semaine dernière, la Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, a dit craindre un conflit généralisé comme en Syrie et exhorté les États à « prendre des mesures immédiates, décisives et effectives » pour forcer les militaires à mettre fin à la répression.

Un journaliste japonais inculpé

Dernier exemple en date du climat régnant en Birmanie, un journaliste japonais accusé de diffuser de fausses informations a été arrêté, à l’instar de dizaines d’autres reporters depuis le coup d’État. Tokyo a réclamé lundi sa libération.

Yuki Kitazumi a été appréhendé dimanche et, selon un porte-parole de l’ambassade du Japon, transféré d’un poste de police à la prison d’Insein, connue pour abriter des prisonniers politiques.

Des diplomates ont demandé à rendre visite à ce journaliste indépendant, mais l’autorisation ne leur en a pas encore été accordée, a déclaré à l’AFP le porte-parole.

Les autorités birmanes ont quant à elles assuré à l’ambassade qu’il était en bonne santé, tandis que les médias officiels ont fait savoir, sans autres détails, qu’il avait été inculpé.

C’est la deuxième fois que M. Kitazumi est arrêté depuis le coup d’État. En février, il avait été brièvement interpellé au cours d’une intervention de la police antiémeute contre des manifestants.

La presse a souvent été prise pour cible par les forces de sécurité, au moment où les autorités tentent de contrôler davantage l’information, restreignant l’accès à internet ou révoquant les accréditations de certains médias birmans.

Au moins 65 journalistes et photographes ont été arrêtés depuis le putsch, dont 34 sont toujours derrière les barreaux, selon l’organisation Reporting ASEAN.

« Guérilla urbaine »

Dans toute la Birmanie, des personnes continuent malgré tout de s’opposer à la junte.

À Myingyan, d’intenses affrontements entre des habitants de cette ville du centre et l’armée se sont produits ces deux derniers jours.

Au moins quatre personnes ont été touchées par des balles lundi et l’une d’elles n’a pu être soignée, a dit à l’AFP un témoin, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat pour des raisons de sécurité.

Il n’était pas possible de savoir dans l’immédiat combien de personnes avaient été tuées à Myingyan.

« Il y a encore quelques tirs. C’est comme une guérilla urbaine dans la ville », a-t-il dit, ajoutant que les gens tentaient de se défendre avec des armes artisanales.

« L’armée n’a autorisé personne à être dans la rue. Elle tire sur ceux qu’elle voit dehors », a-t-il ajouté. Selon lui, les militaires ont aussi mis le feu à des motos.

Au moins six personnes, dont l’une âgée de 13 ans, ont été arrêtées à Myingyan, selon un journal local.