(Bangkok) Le ministre des Affaires étrangères birman, nommé par la junte, s’est rendu à Bangkok mercredi pour des discussions avec les puissances régionales qui tentent de mettre fin à trois semaines de manifestations entachées de quatre victimes, suite au coup d’État mené par les généraux en Birmanie.

Wunna Maung Lwin s’est entretenu avec ses homologues de Thaïlande et d’Indonésie au cours de la première rencontre connue entre un membre de la junte et des représentants de gouvernements étrangers.  

Cela fait plusieurs semaines que l’armée birmane est sous le feu des condamnations internationales pour avoir renversé la cheffe du gouvernement civil Aung San Suu Kyi lors d’un putsch le 1er février dernier.

Chez elle, la junte fait face à des manifestations quotidiennes massives et à un mouvement de désobéissance civique qui touche toutes les composantes de la société birmane.

Le porte-parole du ministère thaïlandais des Affaires étrangères, Tanee Sanrat, a confirmé aux journalistes que Mme Marsudi - actuellement à Bangkok - avait rencontré Wunna Maung Lwin en Thaïlande, ainsi que le chef de la diplomatie du royaume, Don Pramudwinai.  

« Nous n’avions pas prévu cela, mais oui », la rencontre a bien eu lieu, a-t-il écrit.  

Une autre source gouvernementale a confirmé qu’il y avait « une réunion tripartite entre les ministres de l’Indonésie, de la Thaïlande et de la Birmanie, proposée par la Thaïlande ».  

Aucun détail n’a été divulgué sur la teneur des discussions.

Sans confirmer la rencontre, le premier ministre thaïlandais Prayut Chan-O-Cha-arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’État en 2014-a déclaré que la question était « traitée par le ministère des Affaires étrangères ».  

« Nous sommes des voisins amicaux qui doivent s’écouter les uns les autres… nous sommes l’un des membres de l’ASEAN (Association des nations d’Asie du Sud-Est, NDLR), nous voulons voir de la coopération et nous envoyons notre soutien moral pour que tout soit pacifique », a-t-il conclu.

« Arrêtez de négocier avec eux »

Plus tôt mercredi, des centaines de manifestants se sont rassemblés pour le deuxième jour consécutif devant l’ambassade d’Indonésie, dans le centre de Rangoun, la plus grande ville birmane.

Mécontents que ce pays voisin envisage de négocier avec la junte - officiellement nommée Conseil d’administration de l’État -, ils portaient des pancartes disant « Arrêtez de négocier avec eux » et « Indonésie, ne soutenez pas le dictateur ».  

« Le Conseil d’administration de l’État militaire n’est pas notre gouvernement légitime », a déclaré à l’AFP Seinn Lae Maung, une manifestante au drapeau birman peint sur le visage.  

« Merci de respecter nos votes et d’entendre nos voix. »

Ces trois dernières semaines, les généraux n’ont pas cessé d’intensifier le recours à la force afin d’affaiblir la mobilisation en faveur de la démocratie en Birmanie, où des milliers de personnes les ont défiés en descendant quotidiennement dans les rues.

Ils ont utilisé des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des balles en caoutchouc contre les manifestants, des actions isolées à balles réelles ont également eu lieu.

Jusqu’à présent, trois personnes ont été tuées pendant des manifestations et un homme qui patrouillait pour éviter des arrestations massives dans son quartier, à Rangoun, a été abattu.  

La famille et les amis de Tin Htut Hein, 30 ans, lui ont rendu un dernier hommage mercredi lors de ses funérailles.  

Dans l’assistance, certains portaient des T-shirts avec son visage imprimé en signe de deuil, tandis que d’autres plaçaient des roses sur une pancarte indiquant « la dictature doit échouer ».  

Les manifestations se sont poursuivies dans tout le pays mercredi, de Rangoun - où des groupes ethniques minoritaires vêtus de leurs tenues traditionnelles ont défilé avec leurs drapeaux - jusqu’à la deuxième plus grande ville du pays, Mandalay, où des manifestants ont défilé à dos d’éléphants.  

Les pachydermes portaient sur leur croupe une inscription disant « À bas la dictature militaire » en birman.  

Depuis son arrestation au petit matin le 1er février, Aung San Suu Kyi n’a pas été vue en public.  

La lauréate du prix Nobel de la paix, 75 ans, tenue au secret depuis son arrestation, est inculpée pour des motifs non politiques, accusée d’avoir importé « illégalement » des talkies-walkies et d’avoir violé une loi sur la gestion des catastrophes naturelles.  Une audience est prévue le 1er mars.