(Rangoun) La junte birmane était plus que jamais sous pression mardi avec une condamnation du G7 au lendemain de l’adoption par les États-Unis et l’Union européenne de nouvelles sanctions et de manifestations parmi les plus massives depuis le coup d’État du 1er février.

Ces trois dernières semaines, les généraux n’ont pas cessé d’intensifier le recours à la force afin d’affaiblir la mobilisation en faveur de la démocratie en Birmanie, où des centaines de milliers de personnes les ont malgré cela une nouvelle fois défiés lundi en descendant dans les rues.

Un mouvement de contestation qui s’est poursuivi mardi, même si à Rangoun, la principale ville et la capitale économique, il a été d’une ampleur moindre que les jours précédents.

« Les militaires ont toujours gagné en faisant usage de leurs armes et je n’aime pas ça du tout », a lâché un des manifestants, Chan Mya, avant d’ajouter : « Nous détestons ça et nous continuerons à protester et à exprimer ce que nous ressentons de manière pacifique ».

Jusqu’à présent, trois personnes ont été tuées pendant des manifestations et un homme qui patrouillait pour éviter des arrestations massives dans son quartier, à Rangoun, a été abattu.  

« Une énorme pression »

« L’utilisation de balles réelles contre des personnes non armées est inacceptable », ont réagi mardi dans un communiqué les ministres des Affaires étrangères du G7, qui regroupe sept des plus grandes puissances de la planète (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Canada, France, Japon, Italie), également signé par l’Union européenne.

« Quiconque répond à des manifestations pacifiques par la violence doit en être tenu pour responsable », ont-ils mis en garde, appelant les forces de sécurité birmanes à « faire preuve de la plus grande retenue ».

Dans la nuit de lundi à mardi, les États-Unis avaient annoncé des sanctions contre deux responsables supplémentaires de la junte qui a renversé le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi, le général Maung Maung Kyaw, à la tête de l’armée de l’air, et le général Moe Myint Tun.  

Des mesures similaires avaient déjà été prises par Washington il y a dix jours, visant en particulier le chef des putschistes, le général Min Aung Hlaing.  

« Nous ne faiblirons pas dans notre soutien au peuple birman », a prévenu le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken.

Quelques heures auparavant, l’Union européenne avait décidé de s’attaquer aux intérêts économiques et financiers des militaires.

« Toute aide financière directe […] aux programmes de réforme du gouvernement est suspendue », avait souligné le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell.  

« Les sanctions peuvent toujours frapper les gens sur place, ce que nous devrions éviter, mais des sanctions ciblées sont nécessaires parce que nous avons besoin d’une énorme pression contre le coup d’État », a de son côté dit à la chaîne de télévision France 24 l’émissaire des Nations unies pour la Birmanie, Christine Schraner Burgener.

Elle rendra compte de la situation vendredi lors d’une réunion spéciale consacrée à la Birmanie de l’Assemblée générale de l’ONU, réunissant ses 193 membres, a indiqué mardi le service de communication de cette institution.  

Un millier de migrants birmans expulsés-

Les sanctions interviennent après que l’armée birmane a eu recours aux balles en caoutchouc, au gaz lacrymogène, aux canons à eau et même parfois aux tirs à balles réelles contre les manifestants, tout en augmentant les effectifs des forces de sécurité à Rangoun et en y érigeant des barrages.   

De plus, des coupures nocturnes de l’internet, ordonnées par la junte, font craindre que celle-ci n’en profite pour faire procéder à des arrestations massives d’opposants.

Jusqu’à présent, ce durcissement n’a toutefois pas dissuadé nombre de Birmans de manifester, parmi lesquels des fonctionnaires, des employés de banque, des soignants et des ouvriers des travaux publics qui se sont mis en grève par solidarité.  

En dehors de Rangoun, cela a été le cas à Myitkyina : des contestataires ont traversé mardi cette cité du nord à moto en agitant le drapeau national et en faisant le salut à trois doigts, un symbole de résistance.

À Mandalay, la deuxième plus grande ville, une foule recueillie a participé aux funérailles de Thet Naing Win, un homme de 37 ans abattu samedi lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants.

« Je demande à tous d’aider à faire en sorte que justice soit rendue à mon mari », a lancé sa veuve Thidar Hnin, ajoutant qu’elle souhaitait voir « le dictateur détrôné » car « le pays appartient à ses citoyens ».

Les appels à cesser le travail ont par ailleurs fortement perturbé les activités du gouvernement et du secteur économique.

Le pouvoir avait pourtant brandi dimanche la menace de recourir à la force létale pour en finir avec « l’anarchie ».  

Depuis le putsch, plus de 680 personnes ont été arrêtées, inculpées ou condamnées, d’après une ONG d’assistance aux prisonniers politiques, et presque toutes sont toujours derrière les barreaux.

C’est dans ce contexte de tensions extrêmes que les autorités malaisiennes ont annoncé mardi l’expulsion vers la Birmanie d’un millier de migrants en dépit d’un arrêt qui leur ordonnait de suspendre ce transfert.