(Phnom Penh) Le procès de 150 opposants cambodgiens a repris jeudi à Phnom Penh, malgré les critiques d’organisations des droits humains qui dénoncent une procédure viciée et politiquement motivée.

De nombreux accusés sont liés au Parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC) qui avait réalisé une percée aux élections générales de 2013, remportant 55 sièges sur 123, mais ce mouvement a été dissous quelques années plus tard par la Cour suprême du pays.

Et le parti du premier ministre Hun Sen a raflé à l’issue des législatives de 2018 l’intégralité des sièges au Parlement, des résultats vivement contestés. Hun Sen est désormais à la tête du pays depuis 36 ans et musèle toute opposition.

Le procès à huis clos, qui s’est ouvert en novembre et a repris jeudi, est lié aux tentatives avortées de Sam Rainsy, co-fondateur du PSNC, en exil en France pour échapper à la prison, de retourner au Cambodge en 2019.  De nombreux accusés sont poursuivis pour avoir partagé des messages sur les réseaux sociaux soutenant sa volonté de rentrer dans le pays.

Certains encourent jusqu’à 30 ans de prison. Certains seront jugés en leur absence, ayant fui le royaume par crainte d’être arrêtés.

Une poignée de leurs partisans s’étaient rassemblés aux abords du palais, mais ils ont été expulsés par les forces de l’ordre.  

Hun Sen « ne m’intimidera pas avec ces accusations, je vais y faire face d’autant qu’elles sont fausses », a relevé à son arrivée au tribunal Theary Seng, une militante des droits humains américano-cambodgienne, accusée de « trahison » et d’« incitation à la haine ».

Les audiences doivent se poursuivre en janvier et en mars.

« Ces procès de masse sont un affront aux normes internationales d’équité des procès, aux engagements du Cambodge en matière de droits humains et à l’État de droit », a déploré un porte-parole d’Amnistie internationale, dénonçant « une campagne incessante de persécution contre l’opposition politique du Cambodge et d’autres voix dissidentes ».  

Selon l’ONG, des députés de l’opposition, actuellement en exil, se sont vus refuser l’entrée dans le pays pour se défendre des accusations dont ils font l’objet.

L’autre-co-fondateur du PSNC Kem Sokha est également visé par une procédure pour « trahison », accusé d’avoir voulu renverser le gouvernement. Placé en détention provisoire puis assigné à résidence, il a depuis été libéré, mais ne peut pas quitter le pays.  

Les audiences de son procès qui s’est ouvert en janvier 2020 ont été reportées à cause du coronavirus. Se servir de la pandémie comme excuse est « une violation des droits de mon client », a relevé à l’AFP Chan Chen, l’un de ses avocats, qui va déposer une nouvelle requête pour demander la reprise du procès.