(Lahore) Un responsable sri-lankais d’une usine de l’est du Pakistan a été battu à mort et immolé par le feu vendredi par une foule qui l’accusait de blasphème, d’après les médias locaux et des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux.

La police a confirmé à l’AFP, sans autre commentaire, que ce lynchage avait eu lieu à Sialkot, environ 200 km au sud-est de la capitale Islamabad.

Le premier ministre Imran Khan a assuré qu’il surveillerait l’enquête sur une « horrible » attaque qui marque « un jour de honte pour le Pakistan ».  

« Que les choses soient claires : tous les coupables seront punis avec la plus grande sévérité prévue par la loi », a-t-il déclaré sur Twitter.  

Des vidéos diffusées sur Twitter montrent la victime frappée par des individus, dont certains hurlent des slogans dénonçant le blasphème. D’autres images laissent ensuite apparaître son corps entièrement brûlé devant une foule de plusieurs dizaines d’hommes.

Selfies devant le corps en feu

Nombreux sont ceux qui ne font aucun effort pour cacher leur visage et vont même jusqu’à prendre des selfies devant le corps en feu.

Hassan Khawar, porte-parole du gouvernement du Punjab, a assuré à des journalistes à Lahore que la police avait déjà arrêté 50 personnes.

« Les enregistrements de vidéosurveillance sont examinés soigneusement, car on nous a demandé de terminer l’enquête en 48 heures », a-t-il ajouté.

La question du blasphème est particulièrement sensible au Pakistan, où même des allégations non prouvées d’offense à l’islam peuvent entraîner assassinats et lynchages.

La loi pakistanaise, farouchement défendue par les partis islamistes, prévoit la peine capitale pour quiconque est reconnu coupable d’avoir insulté l’islam ou le prophète Mahomet. Aucun condamné pour blasphème n’a toutefois jusqu’ici été exécuté.

Les opposants à cette loi lui reprochent d’être instrumentalisée pour régler des conflits personnels ou attenter aux droits des minorités religieuses.

« L’incident d’aujourd’hui montre à quel point il est urgent de corriger un environnement qui permet les abus et met à risque des vies », a réagi sur Twitter Amnistie internationale South Asia.  

Les slogans entendus dans les vidéos de Sialkot sont les mêmes que ceux utilisés par les partisans du parti radical Tehreek-e-Labbaik Pakistan (TLP), à l’origine ces dernières années de plusieurs manifestations anti-blasphème qui ont paralysé les grandes villes pakistanaises.

Le TLP a ainsi lancé l’année dernière une campagne contre la France, après que le président Emmanuel Macron a défendu le droit à la caricature au nom de la liberté d’expression, dans la foulée de la republication des caricatures du prophète de l’islam par l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo.

Jeté en bas de sa résidence universitaire

En juin 2017, Mashal Khan, 23 ans, a été battu et blessé par balle avant d’être jeté du deuxième étage de sa résidence universitaire et tué. La police a ensuite déterminé qu’il était innocent des faits de blasphème dont on l’accusait.

Dimanche, des milliers de personnes ont attaqué et incendié un poste de police à Charsadda, dans la province de Khyber Pakhtunkhwa (nord-ouest), après avoir demandé aux policiers de leur remettre un homme accusé d’avoir brûlé le Coran.

Un jeune chrétien et son épouse enceinte, accusés d’avoir profané le coran, avaient été battus à mort en 2014 par une foule qui avait ensuite brûlé leurs corps dans le four d’une briqueterie dans le Punjab.