(Manille) La fille du président philippin Rodrigo Duterte, Sara Duterte, a annoncé samedi sa candidature à la vice-présidence du pays aux élections de mai 2022, mettant fin aux spéculations qui lui prêtaient l’intention de briguer la succession de son père.

Mais à la grande surprise de la Commission électorale, chargée de recueillir les candidatures à la présidence et à la vice-présidence avant la date-butoir du 15 novembre, le président sortant Rodrigo Duterte a fait savoir samedi qu’il pourrait lui aussi briguer la vice-présidence, contre sa fille.

M. Duterte, qui ne peut constitutionnellement prétendre à un deuxième mandat présidentiel de six ans, « remettra son certificat de candidature à la vice-présidence lundi, c’est ce qu’il a dit », a déclaré le porte-parole de la présidence Martin Andanar à la chaîne philippine ABS-CBN.

« J’aimerais croire que c’est le plan pour le moment. Je ne sais pas si ce sera le même plan d’ici demain ou d’ici lundi », a-t-il toutefois nuancé.

Jusqu’à présent, les observateurs tablaient plutôt sur une candidature de Sara Duterte à la présidence. Ces conjectures avaient été alimentées par le retrait surprise, il y a quelques jours, de sa candidature à un nouveau mandat à la mairie de Davao (sud), et par son ralliement soudain au Lakas-Christian Muslim Democrats, le parti politique national de son alliée et ancienne présidente Gloria Arroyo.

La candidature de Mme Duterte a reçu, dès son annonce, le soutien de Ferdinand « Bongbong » Marcos Junior, qui brigue quant à lui la présidence et voit ses chances de succès renforcées. M. Marcos est le fils et l’homonyme du dictateur Ferdinand Marcos, au pouvoir de 1965 à 1986.

Sara Duterte, 43 ans, était jusqu’à présent en tête dans les enquêtes d’opinion sur les préférences des électeurs pour la présidentielle de mai 2022, tandis que « Bongbong » Marcos était donné en deuxième position.

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président philippin Rodrigo Duterte et sa fille Sara, photographiés en avril 2018

Aux Philippines, le président et le vice-président sont élus séparément.

La plupart des observateurs pariaient sur un accord entre Mme Duterte et M. Marcos pour que la première postule à la présidence et le second à la vice-présidence, un poste sans grand pouvoir. Mais c’est finalement l’inverse qui s’est produit.

Marcos, le candidat à battre

« Le fait que Duterte brigue la vice-présidence consolide plus ou moins Bongbong Marcos dans la position de concurrent numéro un, de candidat à battre lors de ces élections », a commenté l’analyste politique Richard Heydarian, interrogé par l’AFP.

Selon lui, les cotes de popularité de Sara Duterte et de son père se sont dégradées ces derniers mois, et le clan Duterte a senti le vent tourner en faveur de M. Marcos.

Si Sara Duterte emporte la vice-présidence, cela maintiendra « une Duterte proche du sommet et en bonne position pour l’élection de 2028 », a estimé Mark Thompson, directeur du Southeast Asia Research Centre à la City University de Hong Kong.

Le clan Marcos exerce essentiellement son influence dans le nord et le sud du pays, tandis que la famille Duterte jouit d’un fort soutien populaire dans le sud.

Ferdinand « Bongbong » Marcos Junior, 64 ans, est le fils du dictateur Ferdinand Marcos, chassé du pouvoir par une insurrection populaire en 1986 après plus de 20 ans de règne sans partage sur les Philippines.

PHOTO ROUELLE UMALI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Ferdinand « Bongbong » Marcos Junior

Sa candidature se heurte toutefois à quelques obstacles. Ses détracteurs ont notamment demandé à la Commission électorale d’invalider sa candidature en raison de plusieurs condamnations pour fraude fiscale dans les années 1990.

Parmi les autres candidats déjà déclarés à la présidentielle figurent le boxeur superstar Manny Pacquiao, le maire de Manille et acteur célèbre Francisco Domagoso et l’actuelle vice-présidente Leni Robredo.

Élu en 2016, Rodrigo Duterte s’est rendu tristement célèbre pour sa guerre contre la drogue qui a fait des milliers de morts, et qui est actuellement l’objet d’une enquête de la Cour pénale internationale.