(Tokyo) Le nouveau premier ministre Fumio Kishida espère bien garder son poste à l’issue des élections législatives dimanche au Japon, que son parti devrait remporter mais en y laissant probablement des plumes, selon des analystes et des médias nippons.

Les bureaux de vote ont ouvert tôt dimanche matin et fermeront à 20 h locales (11 h GMT), quand des estimations sorties des urnes seront dévoilées.

Quelque 106 millions de Japonais sont appelés à départager 1051 candidats pour 465 sièges à la Chambre basse de la Diète. La pandémie et l’économie ont été les thèmes dominants d’une brève campagne électorale de 17 jours.

Le mécontentement de certains électeurs était palpable dimanche.

« Je me suis concentrée sur les mesures (des partis, NDLR) contre le virus, et je voulais aussi m’exprimer par rapport à la manière arbitraire dont le gouvernement prend ses décisions », a déclaré à l’AFP Teruyo Kaneko, une Tokyoïte de 76 ans à la sortie de son bureau de vote.

Masahiro Sashida, un employé de bureau de 50 ans votant lui aussi, a confié qu’il se sentait « lassé de la corruption en politique ».

Chihiro Sato, une mère de famille de 38 ans, avait surtout les difficultés économiques à l’esprit : « L’économie souffre à cause du coronavirus, donc j’ai comparé les programmes » des candidats sur ce point, a-t-elle expliqué.

Dans la dernière législature, le Parti libéral-démocrate (PLD, droite nationaliste), qui domine la politique japonaise quasiment sans interruption depuis 66 ans, détenait 276 sièges et son allié, le parti Komeito (centre droit), 29. Soit 305 sièges au total, ce qui leur donnait un très large contrôle du pouvoir.

« Résurrection » ou « plongeon mortel » ?

Mais la donne a beaucoup changé par rapport aux dernières législatives en 2017.

Shinzo Abe, qui semblait inoxydable au poste de premier ministre, a démissionné en septembre 2020 pour des raisons de santé. Son successeur Yoshihide Suga n’a tenu qu’un an, victime de records d’impopularité en raison de sa gestion jugée maladroite de la crise sanitaire et de sa volonté de maintenir coûte que coûte les Jeux olympiques de Tokyo cette année.

Elu président du PLD fin septembre grâce au soutien des caciques du parti, puis nommé premier ministre par le Parlement début octobre, M. Kishida, 64 ans, ne jouit cependant pas d’une grande popularité dans l’opinion publique. Elle gravitait autour de 50 % début octobre, l’une des plus faibles pour un nouveau dirigeant japonais depuis vingt ans.

M. Kishida vise aux législatives la majorité absolue la plus courte : 233 sièges pour le PLD et le Komeito réunis. Une manière de sauver la face même en cas de perte sensible de sièges.

« Si leur nombre de sièges descendait vers ce niveau, ce serait très difficile pour la réputation de M. Kishida », prévient toutefois Michael Cucek, professeur d’études asiatiques au campus japonais de l’Université Temple, interrogé par l’AFP.

« Quand un premier ministre est à ce poste uniquement grâce à d’autres, à partir du moment où il commence à perdre de l’altitude, il commence à se diriger vers un plongeon mortel », ajoute M. Cucek.

« Nous devons montrer au public que le PLD est ressuscité », avait lancé M. Kishida après son élection à la tête du parti. Il a promis de faire de la lutte anti-COVID-19 sa priorité, mais aussi de redynamiser l’économie et réduire les inégalités sociales grandissantes.

Des atouts pour le PLD

Le PLD a longtemps profité d’une opposition historiquement faible et fragmentée. Mais pour ces législatives, cinq partis d’opposition coopèrent dans de nombreuses circonscriptions, une alliance inédite qui pourrait affaiblir leur écrasant rival.

D’un autre côté, le PLD dispose de gros moyens et reste maître dans l’art de contrôler le processus électoral, notamment dans les zones rurales où il cultive des liens très anciens avec les électeurs.

Autre atout pour M. Kishida et son parti : le nombre d’infections au coronavirus a chuté dernièrement au Japon, après avoir atteint des records en août. Et après un démarrage laborieux début 2021, la vaccination a accéléré dans l’archipel où plus de 71 % des habitants ont désormais reçu deux injections.

La participation électorale, particulièrement basse au Japon (53,68 % aux législatives de 2017 et 52,66 % à celles de 2014), sera scrutée de près dimanche. Une abstention élevée favorise traditionnellement le PLD.