(Rangoun) Des milliers de personnes ont fui une ville de l’ouest de la Birmanie après des combats entre l’armée et des opposants à la junte au pouvoir, pendant lesquels des soldats ont bombardé les maisons de civils, ont raconté mercredi des habitants de la région et des médias locaux.

Des militaires ont échangé des tirs avec une centaine de membres d’un groupe de défense local après être « tombés dans une embuscade » à Thantlang, près de la frontière indienne dans l’État Chin, le 18 septembre, selon le porte-parole de la junte Zaw Min Thun, qui n’a pas fait état de victimes.

Les habitants de Thantlang (environ 7500 âmes) ont commencé à s’enfuir massivement lundi après des tirs de soldats « par les fenêtres » des maisons, a assuré un habitant ayant requis l’anonymat.

« Presque tout le monde est parti », a-t-il ajouté, précisant avoir trouvé refuge dans un village voisin avec quelque 500 personnes et que plusieurs centaines d’autres s’étaient enfuies en traversant la frontière indienne.

Une habitante de cette ville a expliqué avoir voyagé trois jours avec ses parents âgés pour rejoindre l’Inde après un bombardement de sa maison et l’intensification des combats. « Je n’avais jamais imaginé m’enfuir de ma propre maison […] mais les choses se sont détériorées », a-t-elle dit.

Des médias locaux ont diffusé photographies et vidéos montrant des bâtiments de Thantlang détruits, selon eux, par les militaires, avec des animaux domestiques errant dans des rues désertes.

Des habitants de la zone frontalière située dans l’État indien du Mizoram (nord-est de l’Inde), ont affirmé que 2000 autres réfugiés y étaient arrivés depuis le 10 septembre en provenance de l’État Chin. Certains ont dit avoir vu des avions des forces aériennes larguant des bombes sur des cibles dans cette région birmane.

Un habitant du village de Thingsai a raconté à l’AFP par l’intermédiaire d’un interprète que le 10 septembre les villageois avaient entendu des fusillades et des bombardements de l’autre côté de la frontière. Selon un autre habitant, des villageois ont vu des avions militaires en train de larguer des bombes.

Un réfugié qui a franchi la frontière le 15 septembre a dit avoir roulé à moto pendant trois jours avant de parvenir dans l’État du Mizoram. « Nous avions très peur après les bombardements. Nous devions fuir. Deux de mes enfants sont restés en arrière pour combattre l’armée et protéger notre peuple », a expliqué cet homme qui n’a pas voulu être identifié.

Selon Zaw Min Thun, 20 maisons et un bâtiment gouvernemental ont été détruits dans un incendie, dont il n’a pas précisé la cause, après les affrontements du 18 septembre.

Arguant de fraudes aux législatives de novembre 2020, l’armée birmane a renversé le 1er février le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi dont le parti avait largement remporté ces élections, mettant fin à une parenthèse démocratique de 10 ans.  

Les généraux procèdent à une répression sanglante contre les opposants. Près de 1100 civils ont été tués et 6500 emprisonnés, selon une ONG locale, l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP), qui signale des cas de tortures, de viols et d’exécutions extrajudiciaires.

En réaction, « des forces de défense du peuple », une nébuleuse de milices citoyennes, se sont mises en place pour mener une guérilla contre les militaires.  

Les opposants à la junte s’en sont pris récemment à des antennes-relais d’un des principaux réseaux de téléphonie mobile birmans, Mytel, contrôlé par le régime.

L’ONU a mis en garde contre de nouveaux combats dans la région, susceptibles de provoquer de nouveaux départs de civils vers l’Inde où ils ont besoin d’une aide urgente.