(New Delhi) Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a lancé mercredi à New Delhi un avertissement sur un risque de « régression démocratique », au moment où Washington compte plus que jamais sur cet allié clé en Afghanistan ou face à la Chine.

« La relation entre nos deux pays est l’une des plus importantes au monde », a-t-il déclaré dans une capitale indienne en pleine mousson.  

Antony Blinken, pour sa première visite en Inde en tant que secrétaire d’État, s’est entretenu avec le premier ministre Narendra Modi et son ministre des Affaires étrangères Subrahmanyam Jaishankar avant de partir pour le Koweït.

Mais, tout un symbole, il a débuté la journée par une table ronde avec des représentants des différentes communautés, insistant sur « la dignité humaine, l’égalité des chances, l’État de droit, les libertés fondamentales, y compris la liberté de religion ».

Dans un autre geste de rupture par rapport à ses prédécesseurs de l’administration de Donald Trump, le secrétaire d’État a également eu un bref échange avec un représentant du dalaï-lama, le chef spirituel tibétain.

« Nos deux démocraties restent des chantiers », et « parfois ce processus est difficile », « mais la force de la démocratie c’est le mener à bien », a-t-il martelé, devant la société civile comme aux côtés de son homologue. Il a estimé, tout en assurant s’exprimer avec « humilité », qu’il fallait « sans cesse tenter de renforcer nos institutions démocratiques ».

« Nos valeurs ont été évoquées dans toutes nos rencontres aujourd’hui », a assuré un responsable américain, saluant des échanges « positifs et constructifs ».

New Delhi est sous le feu des critiques des défenseurs des droits humains en raison de son usage croissant des lois antiterroristes pour multiplier les arrestations et, selon les détracteurs du gouvernement Modi, bâillonner ses opposants.

Malgré les dénégations du premier ministre, son exécutif nationaliste hindou est aussi accusé d’avoir fait adopter une loi discriminant la minorité musulmane, qui compte 170 millions de personnes.

Alliance face à « l’autocratie »

Mettant en garde contre une « régression démocratique » dans le monde, Antony Blinken a donc jugé « vital que les deux premières démocraties de la planète continuent de soutenir ensemble ces idéaux ».

Cette mise en garde n’est pas anodine, tant Donald Trump avait été accusé de fermer les yeux face à certaines dérives de Narendra Modi.

Or, son successeur Joe Biden a mis au cœur de sa politique étrangère la constitution d’une alliance des démocraties face à « l’autocratie » incarnée selon lui par la Chine.

En retour, les autorités indiennes réclament du gouvernement américain un soutien aussi déterminé que celui apporté par l’administration Trump lors des affrontements meurtriers de l’an dernier entre l’Inde et la Chine à leur frontière himalayenne.

« Si les États-Unis de Biden hésitent à soutenir ouvertement l’Inde contre la Chine, comment peuvent-ils espérer que l’Inde travaille avec les États-Unis pour contrer la Chine ? Il faut une réciprocité », estime Brahma Chellaney, professeur au cabinet de réflexion Centre for Policy Research, basé à Delhi.

Cette visite express, malgré les craintes liées à la COVID-19, vise toutefois à souligner que le réchauffement des relations entre les deux puissances, en cours depuis plusieurs années notamment face à l’émergence de la Chine, continue sous Joe Biden et l’emporte sur d’éventuelles frictions.

« Renforcer le partenariat avec l’Inde est une des principales priorités diplomatiques des États-Unis, comme cela a été le cas sous plusieurs gouvernements précédents, démocrates ou républicains », a plaidé Antony Blinken.

Le sujet le plus pressant est l’Afghanistan.

Les deux ministres ont fait part de leurs « convergences » pour affirmer qu’il ne pouvait y avoir d’issue militaire.

Le gouvernement américain espère que New Delhi participera activement à la stabilisation du pays en guerre, au moment où le président des États-Unis a entrepris de retirer toutes ses troupes d’ici le 20e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, qui avaient déclenché leur intervention.

Mais l’Inde, l’un des plus fidèles soutiens du gouvernement afghan, redoute un retour au pouvoir des talibans. L’Afghanistan ne doit pas être « un refuge pour les terroristes », a prévenu le chef de la diplomatie indienne.  

Et Washington ne peut pas vraiment lui apporter des assurances, après avoir reconnu que les insurgés avaient pour eux un « avantage stratégique ». Antony Blinken s’est borné à mettre en garde les talibans contre une prise du pouvoir par la force qui ferait de l’Afghanistan un « État paria ».