(Apia) Refusant de concéder sa défaite électorale, le chef de l’État des Samoa, Tuilaepa Sailele Malielegaoi, n’entend pas abandonner le pouvoir, convaincu que seule une intervention divine peu mettre fin à ses 22 ans de règne.

Il y a tout juste quelques jours, M. Malielegaoi, 76 ans, persuadé d’avoir été « désigné par Dieu » régnait de manière quasi absolue sur cette nation chrétienne du Pacifique.

Cet économiste de formation domine la scène politique de cette nation chrétienne de 220 000 habitants très respectueux de leurs aînés depuis 1980, date de son entrée au Parlement.

Premier ministre de cette monarchie constitutionnelle, il s’est autodésigné ministre des Affaires étrangères et président de la Fédération de rugby des Samoa, une fonction de premier plan dans cette nation mordue de rugby.

Mais depuis les élections générales du 9 avril, le vent a tourné et sa main mise sur le pouvoir est ardemment contestée par son ancienne alliée, Fiame Naomi Mata’afa.

Devenue la cheffe de l’opposition, son parti a remporté, à la surprise générale, le scrutin qui lui permet désormais de briguer le poste de première ministre.

Loin de reconnaître sa défaite et de renoncer au pouvoir, M. Malielegaoi a précipité une crise constitutionnelle, qui pourrait menacer, selon des experts, cette jeune démocratie.  

Après avoir tenté de faire pencher le nombre de sièges au Parlement en sa faveur, en vertu de dispositions fixant un quota minimum de femmes au sein de l’Assemblée législative, il a tenté de convoquer un nouveau scrutin.

Des tribunaux ayant rejeté ces deux demandes, le chef de l’État les a accusés de partialité en faveur de sa rivale.

Lundi, la première ministre élue des Samoa n’a pas été autorisée à pénétrer au sein du Parlement afin d’y prêter serment, elle a donc été « investie » dans ses fonctions lors d’une cérémonie improvisée dans les jardins du Parlement.  

Début mai, M. Malielegaoi n’hésitait pas à affirmer à des journalistes qu’il ne se considérait pas comme un simple mortel.  

« À genoux devant moi »

« Je suis désigné par Dieu », a-t-il assuré à l’issue de manifestations organisées contre lui.

« S’ils veulent que je démissionne, qu’ils aillent prier dans une église au lieu de manifester devant le palais de justice ! ».  

« Le pouvoir judiciaire n’a aucune autorité sur ma nomination en tant que premier ministre », a ajouté le chef de l’État.

Sur le plan international, M. Malielegaoi est notamment connu pour avoir pris des mesures visant à renforcer les liens de l’archipel avec ses deux voisins, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

En plus de 20 ans de pouvoir, son pays a connu des épreuves, notamment des cyclones ainsi qu’un tsunami qui, en 2009, a fait 143 morts.  

Plus récemment, en 2019, une épidémie de rougeole a tué 83 personnes, pour la plupart des bébés et de jeunes enfants.

Tout au long de ces années, il a conservé son franc-parler, tenant parfois pendant des heures des propos décousus lors d’entretiens, ensuite postés sur la page Facebook du gouvernement.

Critiqué pour sa gestion de l’épidémie de rougeole, il a reproché aux parents d’avoir écouté les guérisseurs traditionnels et de ne pas avoir fait vacciner leurs enfants.

Lorsque des joueurs de l’équipe nationale de rugby de Samoa se sont plaints du non-professionnalisme de l’encadrement, il les a qualifiés de « remarques de petits enfants ».

Jusqu’à l’an passé, Mme Mata’afa était l’adjointe de M. Malielegaoi. Elle a démissionné au moment où il a fait adopter des lois octroyant au gouvernement le contrôle du système judiciaire.

« Il se croyait tout puissant et pouvait alors faire tout ce qu’il souhaitait », a-t-elle affirmé la semaine dernière sur Radio New Zealand.

« Il est passé de l’idée d’être désigné par Dieu à celle de s’ériger en Dieu ».  

M. Malielegaoi entend surmonter cette crise politique, souhaitant voir Mme Mata’afa accusée de trahison après sa prestation de serment improvisée.  

La semaine dernière, interrogé sur son éventuelle démission et sur la reconnaissance de la victoire électorale de ses adversaires, M. Malielegaoi a répondu : « S’ils viennent se mettre à genoux devant moi, j’y réfléchirai peut-être, mais pour l’instant, non ».