(Londres) Londres et Washington ont exprimé jeudi leur indignation après la diffusion d’une enquête de la BBC faisant état d’actes de torture et de violences sexuelles contre des femmes de la minorité musulmane ouïghoures dans des camps chinois.

Dans une longue enquête basée sur des témoignages, la BBC a rapporté mercredi des allégations de viols systématiques, d’abus sexuels et de torture, dont des viols à l’aide de bâtons électrifiés, sur des femmes détenues au Xinjiang, région de l’ouest de la Chine où les Ouïghours constituent le principal groupe ethnique.  

Les femmes ont été victimes de viols collectifs et de stérilisation forcée, affirment des témoins.

Le secrétaire d’État britannique chargé des Affaires étrangères, Nigel Adams, a déclaré durant une séance du Parlement que le reportage de la BBC révélait « des actes clairement abominables ».

Les preuves de l’ampleur et de la gravité de ces violations sont désormais d’une portée considérable, elles brossent un tableau vraiment atroce.

Le secrétaire d’État britannique chargé des Affaires étrangères, Nigel Adams

« Ces atrocités heurtent la conscience et doivent avoir de graves conséquences », a déclaré un porte-parole du Département d’État américain, réitérant le point de vue de l’ancienne et de la nouvelle administration américaine selon laquelle la Chine est en train de perpétrer un « génocide » contre les Ouïghours.

Indignation aux États-Unis et en Australie

« Nous examinerons tous les outils appropriés pour demander que les responsables rendent des comptes et dissuader de futurs abus », a déclaré ce porte-parole.  

Cette enquête a également provoqué l’indignation des responsables politiques australiens et suscité de nouveaux appels à la Chine pour qu’elle autorise des inspecteurs de l’ONU à se rendre au Xinjiang.

« Tribunal populaire »

Ces réactions surviennent au moment où un « tribunal populaire » s’est formé pour examiner les allégations portées contre la Chine de brutalités anti-ouïghoures. Il a été constitué à la demande de Dolkun Isa, président du congrès mondial ouïghour, et il est présidé par le Britannique Geoffrey Nice, ancien procureur du Tribunal pénal international (TPI) pour l’ex-Yougoslavie.

Ses huit jurés ont l’intention d’entendre plus de 30 témoins, pour la plupart des Ouïghours qui accusent la Chine de violences, et des experts en droit international.

Deux séries d’auditions se tiendront à Londres, en mai et septembre, avant une décision attendue d’ici la fin de l’année sur la question de savoir si la Chine est coupable de génocide ou de crimes contre l’humanité.

L’ambassade de Chine à Londres a été invitée à participer, mais n’a pas donné de réponse.

« Nous espérons les persuader qu’il est véritablement dans leur intérêt de nous fournir des informations pour notre enquête », a souligné M. Nice auprès de journalistes.

Un autre tribunal indépendant dirigé par le Britannique avait conclu l’année dernière que la Chine continuait de prélever les organes de prisonniers, y compris des Ouïghours et des membres du mouvement interdit Falungong, malgré les démentis officiels.

Selon des experts, plus d’un million de Ouïghours sont ou ont été détenus dans des camps de rééducation politique au Xinjiang.

Cette vaste région semi-désertique, frontalière notamment avec le Pakistan et l’Afghanistan, est placée sous étroite surveillance policière depuis une série d’attentats meurtriers commis en Chine et attribués à des séparatistes et islamistes ouïghours.

Pékin récuse le terme de « camps » et affirme qu’il s’agit de centres de formation professionnelle, destinés à fournir un emploi à la population et donc à l’éloigner de l’extrémisme religieux.