(Islamabad) La province pakistanaise du Sindh a déposé vendredi une requête en révision de la décision de la Cour suprême d’acquitter le principal suspect dans l’enlèvement et le meurtre en 2002 du journaliste américain Daniel Pearl.

La Cour suprême du Pakistan a acquitté jeudi Ahmed Omar Saeed Sheikh pour l’ensemble des charges — enlèvement et meurtre — qui pesaient à son encontre, ainsi que trois de ses complices présumés, et demandé leur « libération immédiate ».

Washington s’est aussitôt dit « outré » par cette décision et a appelé le gouvernement pakistanais à permettre que Sheikh soit jugé aux États-Unis.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a discuté vendredi au téléphone avec son homologue pakistanais Shah Mahmood Qureshi de la meilleure manière de faire en sorte que ce suspect et les autres responsables de la mort de Daniel Pearl « rendent des comptes », a rapporté le département d’État. « Le secrétaire d’État a insisté sur l’inquiétude américaine au sujet de la décision de la Cour suprême pakistanaise et la libération potentielle de ces prisonniers. »

« Une requête en révision a été déposée, demandant à la Cour de revenir sur son verdict d’acquittement », a déclaré vendredi à l’AFP Fiaz Shah, le procureur général du Sindh.

Un responsable gouvernemental au fait du dossier a affirmé à l’AFP que les autorités examinaient toutes les options légales pouvant mener au maintien en détention de Sheikh.

« Déposer une requête en révision était l’une de ces options », a-t-il déclaré sous couvert d’anonymat.

Un responsable de la prison centrale de Karachi, capitale du Sindh, où Sheikh est détenu, a indiqué à l’AFP être en attente de l’ordonnance de remise en liberté délivrée par la Cour suprême.

« Aussitôt que nous aurons formellement reçu cette ordonnance, elle sera mise en œuvre », a-t-il assuré.

Sheikh, 47 ans, avait été condamné à mort en 2002 pour le meurtre de Daniel Pearl. En avril 2020, la Haute cour du Sindh avait annulé cette condamnation et commué sa peine en sept années de prison pour enlèvement, une durée couverte par ses 18 ans en détention.

La Cour suprême est allée plus loin, l’acquittant de l’accusation de meurtre, mais aussi de celle d’enlèvement « au bénéfice du doute ».

Elle a aussi acquitté trois hommes, Salman Saquib, Fahad Nasim et Sheikh Adil, condamnés en juillet 2002 à la perpétuité pour avoir notamment envoyé des courriers électroniques revendiquant le rapt du journaliste.

Daniel Pearl, 38 ans, correspondant du quotidien américain The Wall Street Journal, avait disparu le 23 janvier 2002 à Karachi, où il enquêtait sur des réseaux islamistes.

PHOTO ARCHIVES THE WALL STREET JOURNAL VIA AFP

Daniel Pearl

Une vidéo montrant sa décapitation avait été remise un mois plus tard au consulat des États-Unis à Karachi.

Une enquête indépendante menée pendant trois ans dans le cadre du « Pearl Project » avait démontré en 2011 que Sheikh n’avait pas tué lui-même le journaliste, mais l’avait accusé d’avoir ordonné son exécution.

Selon Asra Nomani, une ancienne collègue et une amie de Daniel Pearl, qui avait dirigé cette enquête, c’est le Pakistanais Khaled Cheikh Mohammed (KSM selon ses initiales en anglais), le cerveau autoproclamé des attentats du 11 septembre 2001, qui l’avait exécuté.

KSM, arrêté au Pakistan en 2003, est détenu dans la prison américaine de Guantanamo, à Cuba. Un psychologue qui l’avait interrogé a affirmé que le détenu lui avait confessé avoir décapité le journaliste américain.