(Séoul) La dernière année a été catastrophique pour le dictateur nord-coréen Kim Jong-un.

Il a assisté, impuissant, à l’implosion d’une économie déjà malmenée par une pandémie qui a entraîné la fermeture des frontières. Ses sommets avec l’ancien président Donald Trump, soigneusement orchestrés pour la télévision, n’ont pas eu pour effet de soulager les sanctions économiques douloureuses imposées à son pays.

Il doit maintenant tout recommencer avec le président Joe Biden, qui l’a déjà traité de « voyou » et qui a reproché à M. Trump de tomber dans le spectacle sans obtenir de réductions importantes de l’arsenal nucléaire de M. Kim.

Si M. Kim a profité de récents discours pour promettre de renforcer son programme d’armes nucléaires, il a aussi entrouvert la porte à M. Biden en disant que les relations entre les deux pays dépendent de l’abandon par Washington de politiques qu’il juge hostiles.

On ne sait pas jusqu’à quel point M. Kim sera patient. La Corée du Nord teste souvent les nouvelles administrations américaines avec des tirs de missiles et d’autres provocations pour les forcer à reprendre les discussions.

Lors de récents défilés militaires à Pyongyang, M. Kim a présenté de nouvelles armes qu’il pourrait tester, y compris de nouveaux missiles balistiques qui pourraient être lancés depuis des véhicules ou des sous-marins et le plus gros missile balistique intercontinental du Nord.

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Un regain de tensions pourrait contraindre les États-Unis et la Corée du Sud à admettre que M. Kim ne renoncera jamais aux armes qui, selon lui, sont sa meilleure garantie de survie.

La menace que représente l’arsenal nord-coréen pour les États-Unis s’est concrétisée en 2017, quand le régime a apparemment fait exploser une bombe thermonucléaire et qu’il a lancé des missiles qui seraient capables de frapper loin en sol américain.

Un an plus tard, M. Kim a relancé la diplomatie avec la Corée du Sud et les États-Unis, mais tout s’est effondré en 2019 quand Washington a refusé l’allègement de sanctions demandé par le Nord en échange d’une réduction partielle de ses capacités nucléaires.

La Corée du Nord ne trônera probablement pas au sommet des priorités de l’administration Biden, qui doit affronter de multiples problèmes chez elle au moment où elle s’apprête à rejoindre l’accord nucléaire iranien que M. Trump avait abandonné.

Dans l’ordre, M. Biden commencera probablement par faire le ménage chez lui, avant de renforcer les alliances des États-Unis et de coordonner les stratégies face à la Chine et à la Russie, a dit le professeur Leif-Eric Easley, de l’Université Ewha à Séoul. C’est seulement après ça qu’il s’intéressera à l’Iran et à la Corée du Nord, croit-il.

Mais la Corée du Nord n’apprécie jamais d’être ignorée.

Faire preuve de patience tout en augmentant graduellement la pression n’avait pas fonctionné pour l’administration Obama-Biden, et la puissance de la Corée du Nord s’est accentuée depuis ce moment.

Même si les sanctions, la pandémie et les catastrophes naturelles ont créé les conditions les plus périlleuses des neuf années du régime de M. Kim, il ne s’empressera probablement pas d’offrir des concessions, a dit M. Easley. Le gouvernement de M. Kim a un seuil de tolérance très élevé face à la douleur et il pourrait recevoir de l’aide de la Chine, son seul allié d’importance.

M. Kim pourrait provoquer l’administration Biden en lançant des missiles depuis un sous-marin. Il pourrait aussi effectuer une « mission spatiale » qui lui permettrait en même temps de tester des missiles à longue portée. C’est ce qu’il avait fait en 2009, quelques semaines après l’investiture de M. Obama.

Le Nord peut procéder à des tests dont les États-Unis et ses alliés ne pourront faire fi. Kim est susceptible d’exploiter ça.

Leif-Eric Easley, professeur de l’Université Ewha à Séoul

Le dictateur nord-coréen souhaite des discussions de réduction d’arsenaux entre puissances militaires au lieu de pourparlers qui mèneraient à un abandon complet de ses armes, a dit l’analyste Shin Beomchul, de l’Institut pour une stratégie nationale de Séoul.

La Corée du Nord se tiendra probablement tranquille jusqu’au discours sur l’état de l’Union de M. Biden en février, quand il pourrait annoncer ses couleurs face à Pyongyang, a dit M. Shin. M. Kim pourrait aussi attendre de voir si les États-Unis et la Corée du Sud iront de l’avant avec les exercices militaires prévus en mars.

Même si les alliés affirment que ces exercices sont de nature défensive et qu’ils en ont réduit l’ampleur sous M. Trump pour faire place à la diplomatie, la Corée du Nord en réclame la fin pure et simple, estimant qu’ils servent à préparer une invasion de son territoire.

« Lors du congrès du parti, le Nord a clairement indiqué qu’il n’a pas l’intention de faire les premiers pas, mais il est aussi intéressé à entendre ce que les États-Unis ont à dire », a dit M. Shin.

« M. Biden ne négociera pas au sommet comme le faisait M. Trump, mais il pourrait être plus flexible face aux négociations en coulisses, en offrant de parler aux Nord-Coréens n’importe quand, n’importe où et de n’importe quoi », a-t-il ajouté.

M. Shin s’attend à ce que M. Biden recherche éventuellement avec la Corée du Nord une entente similaire à celle conclue avec l’Iran et dont M. Trump s’est retiré en 2018. On pourrait offrir au Nord une certaine compensation en échange d’un gel à leur niveau actuel de ses capacités nucléaires et de missiles.

Si les États-Unis n’abandonneront probablement pas leur objectif à long terme d’une dénucléarisation de la Corée du Nord, ramener à zéro les capacités nucléaires du pays n’est pas réaliste à court terme, a-t-il dit.

Mais un accord de type iranien pourrait ne pas fonctionner avec la Corée du Nord, dont les armes sont plus sophistiquées et qui refuserait probablement la supervision acceptée par l’Iran, selon le professeur Park Won-gon, de l’université sud-coréenne de Handong.

Mais une chose est claire, a dit M. Park : si la Corée du Nord teste ses armes, M. Biden accentuera des sanctions qui continueront à pousser l’économie de M. Kim vers le bord du précipice.