La Chine préparerait une réforme du système électoral de l’ex-colonie britannique, qui pourrait marginaliser encore plus l’opposition.

Le gouvernement de Hong Kong, qui cherche à utiliser les évènements violents survenus la semaine dernière à Washington pour écarter les critiques venant de l’étranger, continue de serrer la vis aux militants prodémocratie alors que Pékin envisage de nouvelles mesures pour étouffer définitivement le mouvement.

L’agence Reuters, citant de hauts responsables chinois, a indiqué mardi qu’une réforme du système électoral de l’ex-colonie britannique visant à marginaliser encore plus l’opposition était notamment projetée et pourrait se concrétiser cette année.

La Chine « a été trop patiente trop longtemps et doit régler la situation une fois pour toutes », a relevé l’un des responsables interviewés.

Ces mises en garde ont trouvé écho dans le Global Times, qui sert souvent de porte-voix au régime chinois.

Dans un éditorial paru mardi, le quotidien a indiqué que les opposants au régime à Hong Kong avaient cherché à utiliser les institutions législatives pour « renverser l’ordre constitutionnel » dans l’ex-colonie et qu’une révision du processus électoral s’imposait pour empêcher tout « chaos » à l’avenir.

Seules les personnes « qui aiment » la Chine et l’ex-colonie peuvent la diriger, et « ceux qui s’opposent au gouvernement central et déstabilisent Hong Kong doivent être mis dehors », a relevé le quotidien.

L’intervention survient une semaine après que les autorités policières à Hong Kong ont arrêté une cinquantaine de politiciens et de militants prodémocratie qui avaient participé l’été dernier à des primaires devant leur permettre de choisir les meilleurs candidats pour faire bonne figure aux élections législatives. Le scrutin, initialement prévu en septembre, a été reporté d’un an en raison de la pandémie de COVID-19.

La quasi-totalité des personnes arrêtées ont été relâchées, mais risquent d’être accusées de « sédition » relativement à une loi sur la sécurité nationale introduite il y a six mois et qui prévoit de lourdes peines d’emprisonnement.

Étouffer la démocratie ?

Victoria Hui, professeure de science politique rattachée à l’Université Notre-Dame, aux États-Unis, relève que le gouvernement de Hong Kong cherche à criminaliser des activités permises par la Constitution actuelle et veut en arriver, ce faisant, à empêcher l’élection de candidats prodémocratie au Conseil législatif de Hong Kong.

Le moment où les élections vont être tenues ne change pas grand-chose, puisqu’elles risquent de ressembler au Congrès national du Parti communiste chinois.

Victoria Hui, professeure de science politique rattachée à l’Université Notre-Dame

L’utilisation de la loi sur la sécurité nationale vise à « rendre misérable » la vie des militants ciblés et à envoyer du même coup un message clair à ceux qui « osent défier » le régime, relève la professeure.

Gloria Fung, de l’Association Canada-Hong Kong, souligne que la tenue de primaires pour choisir des candidats en vue d’élections ne saurait être considérée comme une forme de sédition dans une « société libre ».

Les autorités, dit-elle, cherchent un « prétexte » pour « purger » les candidats prodémocratie et « entendent faire disparaître toute trace de dissension à tous les niveaux de gouvernement ».

Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur du Canada en Chine, pense que Pékin est « en train d’étouffer complètement toute vie démocratique » à Hong Kong.

Si quelqu’un émet la moindre critique, il va se faire accuser. C’est très facile de trouver qu’une personne est coupable avec la loi sur la sécurité nationale.

Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur du Canada en Chine

Le régime chinois, ajoute M. Saint-Jacques, a décidé de durcir son approche à Hong Kong alors que l’attention de nombreux gouvernements étrangers est mobilisée par la pandémie de COVID-19.

L’exemple de Washington

Les troubles survenus la semaine dernière à Washington lors de la certification des résultats de l’élection présidentielle américaine par le Congrès constituent, dit-il, un « cadeau » pour Pékin, puisqu’ils permettent aux dirigeants chinois de critiquer le caractère supposément chaotique de la démocratie.

La cheffe du gouvernement de Hong Kong, Carrie Lam, a évoqué par ailleurs mardi l’attaque contre le Capitole pour accuser « d’hypocrisie » les régimes occidentaux qui s’alarment, dit-elle, de la situation à Washington après avoir salué les manifestations parfois violentes survenues dans l’ex-colonie depuis 2019, notamment une entrée forcée dans le bâtiment abritant le siège du Conseil législatif.

PHOTO VINCENT YU, ASSOCIATED PRESS

Carrie Lam, cheffe du gouvernement de Hong Kong

Sa sortie est venue quelques jours après qu’un groupe de pays, dont le Canada, a dénoncé les arrestations survenues la semaine dernière à Hong Kong et insisté sur la nécessité de permettre à des candidats « représentant un éventail d’opinions politiques » de participer aux élections.

Victoria Hui estime que le parallèle évoqué par Mme Lam ne tient pas la route.

« Aux États-Unis, c’est un gouvernement démocratiquement élu par la population qui était ciblé. À Hong Kong, un gouvernement dominé par la Chine tente de réprimer la volonté de la population », explique-t-elle.

Mme Fung note pour sa part que la plupart des pays occidentaux ont soutenu les manifestations à Hong Kong parce qu’elles ont commencé pacifiquement pour protester contre des violations des droits de la personne.

« Personne ne s’est félicité du vandalisme survenu au siège du Conseil législatif, qui n’a fait aucun blessé et aucun mort », souligne-t-elle.