(Mangawhai) Guitariste de blues au succès confidentiel, Billy TK s’est fait un nom en Nouvelle-Zélande grâce au virus, en devenant une figure de proue de la mouvance conspirationniste locale, au point de briguer désormais un siège de député.

Avec ses costumes élégants et son talent pour l’autodérision, Billy Te Kahika Junior - son nom complet -a tout pour plaire, offrant une image rassurante toute en sobriété et en pondération.  

Mais pour ses détracteurs, cet homme de 48 ans qui a récemment organisé une manifestation sans masque contre le confinement à Auckland, est en train de semer la zizanie et la désinformation sur le coronavirus.

Ses publications sur les réseaux sociaux comme ses discours de campagne sont truffés d’emprunts aux théories du complot qui se sont propagées dans le monde aussi vite que le coronavirus.

Avec toujours en toile de fond cette obsession d’un « deep state », un « État de l’ombre », et l’affirmation que la crise sanitaire aurait été fabriquée par les gouvernements pour prendre le contrôle de leur population.

Billy TK défend l’idée d’un « projet » des Nations unies de parquer tous les ruraux dans des « super villes » afin de confisquer leurs terres. Avec en coulisses Bill et Melinda Gates, Hillary Clinton ou la première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern qui tireraient les ficelles.

« Eliminer la classe moyenne »

Il parle aussi d’un complot pour enlever les enfants, jetant des ponts avec la théorie conspirationniste QAnon qui affirme que les États-Unis sont dirigés par des puissantes occultes, impliquées dans des réseaux pédophiles internationaux et cherchant à établir un « nouvel ordre mondial ».

S’il s’est lancé dans la bataille pour les législatives du 17 octobre, c’est pour contrer le gouvernement, expliquait-il récemment dans une interview à l’AFP, avant un meeting de son parti AdvanceNZ à Mangawhai, au nord d’Auckland.

« Je crois que Jacinda Ardern, la première ministre élevée à la sauce socialiste, veut éliminer toute la classe moyenne, nous priver de nos droits et de nos libertés », assenait-il.

Dans une autre vie, pas si ancienne que ça, Billy TK était à plein temps un guitariste qui marchait sur les pas de son père, Billy Te Kahika Sr, « le Hendrix du Pacifique ».

Entre ses concerts, Billy TK menait une existence paisible dans une ferme où son épouse et lui faisaient l’école à leurs enfants.

Rien d’extraordinaire, alors, sur les réseaux sociaux, où il glorifiait Dieu et la vie à la ferme.

Puis, le 23 juin, sur sa page Facebook : « Salut les gars ! Je range ma guitare pour quelque temps pour tenter de sauver notre beau pays et nos libertés ! ! »

« Falsification évidente » -

C’est dans ces eaux-là que fut créé le compte Facebook de son nouveau parti, AdvanceNZ.  

Depuis, les vidéos postées sur cette page ont été vues 5,3 millions de fois, selon l’outil d’analyse des réseaux sociaux CrowdTangle.  

Un chiffre hallucinant pour un nouveau venu sur la scène politique d’un pays de cinq millions d’habitants, devant celui des travaillistes (5,2 millions de vues) et celui du Parti National, principale formation de l’opposition (2,8 millions de vues).

Le service de vérification des faits de l’AFP est parvenu à réfuter deux des allégations récurrentes d’AdvanceNZ, selon laquelle le gouvernement autoriserait l’armée à entrer dans les domiciles privés et projetterait des campagnes de vaccination forcée.

Cette dernière affirmation avait été faite dans une vidéo qui avait pris de façon sélective des déclarations de parlementaires. Le Parlement a dénoncé la « falsification évidente » des séquences et demandé qu’elles soient retirées. Toujours en ligne, la vidéo a été vue 200 000 fois.

Ce succès sur l’internet, a fait le lit de sa réussite dans le monde réel.

« Je suis l’homme du moment »

Dans la localité de Mangawhai, une centaine de personnes étaient récemment rassemblées pour écouter le candidat leur expliquer comment ils seraient tous parqués dans des gratte-ciels, dans le cadre du complot mondial.

« Nous sommes tous ici pour voir cette personne extraordinaire dont tout le monde parle », s’enthousiasmait une dame âgée.

« Avant ce truc de la COVID-19, j’étais à fond pour Jacinda. Mais plus maintenant », affirmait une autre.

La bascule du bluesman semble avoir été soudaine.

Il a expliqué à l’AFP qu’il soutenait initialement le plan du gouvernement. Mais c’est en allant en ligne, pendant le confinement, qu’il dit avoir « compris » que Mme Ardern était à la tête d’un complot mondial.

La Nouvelle-Zélande ne totalise à ce jour que 25 décès dû au coronavirus.

Billy TK croit pouvoir rassembler 15 % de l’électorat sur son nom le 17 octobre : « Je suis l’homme du moment. »

Les sondages le donnent cependant beaucoup plus bas. Mais le système proportionnel néo-zélandais favorise parfois les petits partis. En 2017, le populiste Winston Peters s’était retrouvé en position de « faiseur de roi », avec seulement 7,2 %.