Le président chinois Xi Jinping a promulgué mardi une nouvelle loi sur la sécurité nationale pour Hong Kong qui risque de donner un sérieux coup de frein au mouvement de contestation secouant l’ex-colonie britannique depuis un an.

La loi en question, qui vise à empêcher toute forme de sécession, de sédition, de terrorisme ou de collusion avec des forces étrangères, prévoit de lourdes peines pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement à vie dans les cas jugés les plus graves.

Le régime communiste a prévenu qu’elle représentait un « glaive au-dessus de la tête » de ses opposants, qui y voient une attaque sans précédent contre l’autonomie de l’ex-colonie.

« C’est la fin de Hong Kong telle que le monde l’a connue », a réagi sur Twitter l’un des ténors du mouvement de contestation, Joshua Wong.

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Joshua Wong

Le militant bien connu a annoncé qu’il se retirait de l’organisation prodémocratie Demosito, qui a annoncé dans la foulée l’interruption de ses activités.

« C’est une façon pour Joshua Wong de se distancier des gens de son entourage afin de les protéger », relève Jeff Wasserstrom, spécialiste de la Chine rattaché à l’Université de Californie à Irvine, qui a récemment publié un livre sur l’évolution du mouvement de contestation à Hong Kong.

Un loi expéditive et vague

La nouvelle loi sur la sécurité nationale marque clairement, selon lui, « la fin » du principe « un pays, deux systèmes » qui garantissait aux résidants de l’ex-colonie des libertés inexistantes en Chine continentale.

« Plus rien, à part peut-être le statut économique, ne va distinguer Hong Kong du reste de la Chine », indique M. Wasserstrom, qui s’attend à ce que la menace de lourdes peines d’emprisonnement ait un effet dissuasif marqué et rapide sur les protestations.

La résistance va continuer, la question est de savoir quelle forme elle va prendre. Il devient beaucoup plus risqué maintenant de participer à des manifestations de rue.

Jeff Wasserstrom, spécialiste de la Chine rattaché à l’Université de Californie à Irvine

Amnistie internationale a relevé mardi dans la même veine que les termes compris dans la loi sur la sécurité nationale sont « vagues », laissant aux autorités une grande latitude interprétative pour punir d’éventuels contestataires.

« La rapidité et l’opacité avec lesquelles la Chine a fait passer cette loi font craindre que Pékin n’ait forgé avec préméditation un outil de répression qui servira contre les détracteurs du gouvernement », a relevé Joshua Rosensweig, responsable de l’équipe Chine au sein de l’organisation de défense des droits de la personne.

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Carrie Lam, cheffe de l’exécutif de Hong Kong, a assuré mardi dans une vidéo destinée aux Nations unies que la loi ne toucherait qu’une « minorité extrême » de personnes et ne compromettait en rien le principe « un pays, deux systèmes ».

La cheffe de l’exécutif de Hong Kong, Carrie Lam, vue comme un pantin de Pékin par les opposants au régime, a assuré mardi dans une vidéo destinée aux Nations unies que la loi ne toucherait qu’une « minorité extrême » de personnes et ne compromettait en rien le principe « un pays, deux systèmes ».

Elle a indiqué que le gouvernement central devait agir pour rétablir le calme dans l’ex-colonie, qui a été « traumatisée par une violence croissante alimentée par des forces externes ».

Que fera l’Occident ?

Le Global Times, qui sert de porte-voix au régime, s’en est pris plus précisément aux États-Unis en accusant le pays de fomenter les troubles observés au cours de la dernière année.

Le quotidien a prévenu en éditorial que l’administration du président Donald Trump est « menottée par la COVID-19 » et les manifestations antiracistes et « n’a pas la capacité de soutenir une attaque soutenue à long terme contre les intérêts de la Chine ».

Washington, en conflit avec Pékin sur plusieurs dossiers, a déjà signifié son intention de revoir le statut économique privilégié accordé à Hong Kong en réaction à l’annonce de la loi sur la sécurité nationale.

Plusieurs pays occidentaux, dont le Canada, ont exprimé leur préoccupation mardi relativement à l’initiative législative de Pékin, sans annoncer pour autant de mesures de représailles.

Sophie Richardson, spécialiste de la Chine chez Human Rights Watch, a critiqué en ligne leur inertie relative, relevant qu’il faut imposer « des conséquences » à Pékin pour ses actions.

Jeff Wasserstrom a indiqué mardi qu’il était « déçu », mais « pas surpris » de la réponse de la communauté internationale.

Pékin, dit-il, a « tendu un piège » à ses détracteurs en procédant « morceau par morceau » pour éroder l’autonomie de Hong Kong alors que nombre d’observateurs spéculaient, depuis un an, sur le risque d’un coup de force comme celui survenu sur la place Tiananmen en 1989.

Les manœuvres du régime communiste, souligne le spécialiste, surviennent dans une période singulière de l’histoire où l’attention mondiale est accaparée par la pandémie et nombre de pays, États-Unis en tête, « ont le regard tourné vers l’intérieur ».