L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a cherché à se faire rassurante jeudi sur la progression de l’épidémie de coronavirus (COVID-19) après que le nombre de cas rapportés de contamination et de décès en Chine eut soudainement bondi.

Michael Ryan, responsable de la gestion des urgences sanitaires au sein de l’organisation, a indiqué que cette évolution découlait essentiellement d’un changement de méthodologie de la part des autorités chinoises.

« Il n’y a pas de changement significatif de la trajectoire de l’épidémie », a assuré le Dr Ryan lors d’un point de presse au siège de l’OMS à Genève.

La Commission nationale de la santé de Chine a annoncé jeudi près de 15 000 nouveaux cas de contamination et 254 morts supplémentaires, des résultats en très forte hausse par rapport aux jours précédents.

Le nombre total de cas de contamination en Chine a bondi du même coup de plus de 30 % pour s’approcher de 60 000, alors que le nombre de morts augmentait de plus de 20 %.

La Chine a toutefois annoncé vendredi (heure locale) avoir révisé à la baisse son bilan de l’épidémie de coronavirus, désormais de 1380 morts, en raison de « doublons » et après l’adoption la veille d’une nouvelle méthode de comptabilisation.

La Commission nationale de la santé, qui fait office de ministère, a annoncé 121 morts atteints de pneumonie virale COVID-19 durant les dernières 24 heures.

Dans le même temps, elle a annoncé avoir retranché du total national 108 morts préalablement recensés dans la province du Hubei, l’épicentre de l’épidémie.

Elle justifie cette révision par des « doublons dans les statistiques », constatés après une « vérification » dont elle ne précise pas la nature.

Sans cette rectification, le bilan national aurait approché vendredi les 1500 décès.

L’OMS a indiqué jeudi que les autorités chinoises avaient décidé pour la première fois d’inclure dans leurs statistiques les cas de patients ayant été déclarés porteurs du virus sur la base d’un diagnostic clinique à la suite d’examens pulmonaires. Elles se bornaient jusque-là à signaler les cas où un test de laboratoire avait permis de confirmer la présence du virus.

Plus de 13 000 des quelque 15 000 cas rapportés hier ont été diagnostiqués cliniquement.

Le Dr Ryan a précisé que cette approche, appliquée uniquement dans la province du Hubei, épicentre de la crise, avait pour conséquence d’englober un plus grand nombre de personnes malades.

La hausse de près de 15 000 cas, a-t-il précisé, incluait « rétroactivement » des patients chez qui on avait diagnostiqué un COVID-19 au cours des dernières semaines.

« Nous ne sommes pas devant une poussée soudaine de 15 000 cas », a relevé le Dr Ryan, en précisant que l’OMS était en discussion avec la Chine pour savoir comment les cas diagnostiqués cliniquement s’étalaient dans le temps.

Selon le South China Morning Post, la commission de la santé du Hubei a expliqué que la latitude accrue donnée aux médecins pour établir un diagnostic de contamination au COVID-19 visait à assurer que les patients puissent accéder plus rapidement à un traitement opportun.

Plusieurs médias chinois ont signalé que des hôpitaux dans la province du Hubei manquaient de kits pour tester l’ensemble des personnes présentant des symptômes suspects.

La Dre Cécile Tremblay, microbiologiste-infectiologue rattachée au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), estime que le bond observé dans le nombre de cas n’a rien de « surprenant ».

Il est évident depuis le début de la crise, dit-elle, que les données fournies par les autorités chinoises ne reflétaient pas l’ampleur exacte de la crise.

« En plus des 15 000 cas additionnels rapportés, il y a sans doute aussi des dizaines de milliers de personnes qui ont été infectées, mais qui sont asymptomatiques », relève la spécialiste.

Différente méthodologie

Dans le cas d’une épidémie, ce n’est normalement qu’a posteriori en étudiant le pourcentage de personnes présentant des anticorps au virus considéré que l’on peut prendre la mesure de l’étendue de sa propagation, dit-elle.

La Dre Tremblay pense que l’augmentation quotidienne du nombre de cas sera sans doute plus importante avec la nouvelle méthodologie.

Ça va nous donner une meilleure indication d’où l’épidémie s’en va. Parce que si on dit que le nombre de cas d’infections plafonne, mais qu’on omet des personnes présentant des symptômes qui peuvent en contaminer d’autres, on se berce d’illusions.

 La Dre Cécile Tremblay, microbiologiste-infectiologue rattachée au Centre hospitalier de l’Université de Montréal

Le Dr Gaston De Serres, médecin épidémiologiste rattaché à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), ne pense pas que le changement de méthodologie suggère que le gouvernement chinois a voulu minimiser l’ampleur de la crise.

Il est courant, dit-il, pour suivre la progression d’une épidémie, de s’en tenir aux cas confirmés en laboratoire parce que les diagnostics cliniques comportent une part d’incertitude.

La nouvelle approche chinoise serait véritablement problématique, selon lui, si elle ne permettait plus de distinguer l’évolution du nombre de cas confirmés en laboratoire du nombre de cas diagnostiqués cliniquement par des médecins.

Les données sur le nombre de cas confirmés en laboratoire permettent de voir une tendance depuis le début de la crise et suggèrent un « ralentissement » dans le rythme de propagation du coronavirus en Chine, dit-il.

« Ça semblait plutôt positif, mais on est encore à des mois de pouvoir dire si on va en venir à bout », relève le Dr De Serres.